L'ancien président du Haut comité d'Etat (HCE), Ali Kafi, est sorti de sa réserve et de sa retraite politique (?) qu'il s'est imposées en s'effaçant de la scène politique pour apporter son appréciation sur la polémique née autour de la mort controversée du chahid le colonel Amirouche à la suite de la sortie du livre de Saïd Sadi sur l'ancien chef militaire de la Wilaya III. Les observateurs politiques ont retenu de cette sortie médiatique inattendue de Ali Kafi le ton résolument offensif, pour ne pas dire tout aussi polémiste, sur des faits d'histoire et des acteurs de la Révolution algérienne que le contenu du livre du patron du RCD. La réhabilitation de la mémoire de Boumediène avec l'arrivée du président Bouteflika aux affaires n'avait inspiré, jusqu'ici, aucun commentaire de la part des hommes politiques comme Ali Kafi, dont on connaît pourtant tout le « bien » qu'il pense de Boumediène. Les séminaires organisés à sa gloire sous l'égide de l'Etat sont inscrits en lettres d'or dans l'agenda des dates anniversaires des événements marquants de la vie nationale sans que personne, dans le sérail, ne s'en offusque. Et si le dossier sur l'histoire qui agite actuellement le microcosme politique n'était qu'un prétexte, du pain béni pour l'ancien président du HCE, pour s'inviter dans le débat politique et remettre sur le tapis la question de la « déboumediénisation » du système politique algérien ? Rouvrir aujourd'hui cette page de l'histoire des institutions politiques que l'on a volontairement close sous le règne de Bouteflika, enfant spirituel de Boumediène, qui revendique avec fierté l'héritage de l'action politique de Boumediène et qui ne cache pas son attachement, jusqu'à aujourd'hui, à certains choix qui fondent d'ailleurs le programme présidentiel, est loin d'être fortuit. En s'attaquant sans ménagement à Boumediène, accusé d'être à l'origine de tous les maux de l'Algérie et en égratignant au passage la gestion de Bouteflika en confessant que « l'Algérie va vers l'inconnu » au moment où le discours officiel se vante d'avoir mis le pays et son économie sur la voie du redressement national, Ali Kafi porte une appréciation politique foncièrement critique sur le bilan de Bouteflika. Il reste à savoir pourquoi l'ancien président du HCE, qui n'avait jamais marqué auparavant ses distances vis-à-vis de Bouteflika et de son programme d'action par des déclarations ou des prises de position, du moins dans sa vie publique, en vienne aujourd'hui à sortir la grosse artillerie et à diriger ses feux contre Bouteflika. De la même manière, il est intéressant de savoir si Ali Kafi a parlé pour lui-même ou s'il représente un courant influent du pouvoir qui chercherait à se positionner dans la perspective de l'après-Bouteflika, qui semble bien avoir déjà commencé avec le procès à titre posthume ouvert sur le boumediénisme et son héritage, au détour d'un livre témoignage sur l'histoire.