Le bureau des droits de l'homme de l'ONU a réclamé, hier, une enquête «minutieuse et indépendante» après la mort, lundi après-midi, en plein tribunal, du président égyptien déchu, issu de la confrérie des Frères musulmans, Mohamed Morsi. «Toute mort soudaine en prison doit être suivie d'une enquête rapide, impartiale, minutieuse et transparente, menée par un organe indépendant afin de faire la lumière sur la cause du décès», a déclaré Rupert Colville, porte-parole du Haut-commissariat aux droits de l'homme. Selon Jonathan Schanzer, du cercle de réflexion Foundation for Defence of Democracies (FDD), «étant donné les circonstances, Mohamed Morsi sera considéré comme un martyr. Et les théories du complot autour de sa mort vont certainement prospérer». Mohamed Morsi a été enterré hier au Caire, dans le quartier Medinat Nasr, en présence de sa famille. La demande de l'ONU intervient une journée après que les Frères musulmans égyptiens aient accusé le régime de Abdelfattah Al Sissi d'avoir «tué à petit feu» Mohamed Morsi, emprisonné depuis 2013. Le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), bras politique de la confrérie, a dénoncé dans un communiqué les mauvaises conditions de détention de Morsi. Le PLJ parle même d'assassinat. En mars 2018, rappellent des médias occidentaux, une commission britannique indépendante avait condamné son maintien à l'isolement 23 heures par jour, dans des conditions de détention pouvant «relever de la torture ou du traitement cruel, inhumain ou dégradant», surtout qu'il était diabétique. «Le refus d'un traitement médical de base auquel il a droit pourrait entraîner sa mort prématurée», avait déclaré devant le Parlement britannique le député Crispin Blunt, président de cette commission. La télévision d'Etat égyptienne a diffusé, quant à elle, en boucle des images de violences et d'attentats, accusant les Frères musulmans de «terrorisme» et de «mensonge». Le silence de l'Occident La mort de Mohamed Morsi a suscité des réactions de condamnation dans le monde. Les premiers à avoir réagi sont les dirigeants proches de la confrérie des Frères musulmans, comme le chef de l'Etat turc, Recep Tayyip Erdogan. Le Leader de l'AKP lui a d'ailleurs rendu hommage en qualifiant l'ex-président égyptien de «martyr». L'émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, lui aussi sponsor de la confrérie, a exprimé «sa profonde tristesse». L'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a également réagi. Sa directrice pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Sarah Leah Whitson, a dénoncé sur Twitter «l'échec du gouvernement à lui accorder des soins médicaux adéquats (…)». A l'inverse, les capitales occidentales ont observé un profond mutisme, confirmant ainsi leur soutien au chef de l'Etat égyptien, Abdelfattah Al Sissi, en dépit de son non-respect des droits de l'homme. Le leader islamiste était emprisonné depuis sa destitution par l'armée, qui lui avait, entre autres, reproché officiellement son rapprochement avec l'Iran. Il avait d'ailleurs été jugé par la suite dans plusieurs affaires, dont un «dossier d'espionnage au profit de l'Iran, du Qatar et de groupes comme le Hamas à Ghaza». Il avait été condamné à un total de 45 ans de prison dans deux affaires, «incitation à la violence contre des manifestants fin 2012» et «espionnage au profit du Qatar». L'ancien président égyptien avait également été accusé de fomenter des actes de terrorisme. De son côté, Mohamed Morsi, premier président élu de l'histoire de l'Egypte, avait prêté le flanc lorsqu'il était au pouvoir. Il avait accumulé les erreurs politiques. Il s'était considérablement fragilisé en tournant le dos à l'opposition démocratique laïque. Une opposition qui avait fini par se retourner contre lui et appuyer le coup d'Etat de l'armée, qui ne voulait réellement pas de lui au pouvoir. Al Sissi l'attendait au tournant. Depuis son arrivée au pouvoir, Abdelfattah Al Sissi a mené une répression sans merci contre les Frères musulmans. Des milliers de membres de la confrérie ont été emprisonnés. Plusieurs d'entre eux sont décédés en détention. Après la destitution de Morsi, policiers et soldats ont tué plus de 1400 manifestants pro-Morsi en quelques mois. Des centaines ont été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs, qualifiés par l'ONU de «sans précédent dans l'histoire récente». Le pouvoir égyptien s'en est également pris à l'opposition laïque, dont plusieurs membres ont été embastillés. La presse privée égyptienne est, quant à elle, bâillonnée.