La grève des cheminots, qui dure depuis plus de huit jours, remet sur le devant de la scène la question de la gestion de la SNTF et son avenir. Est-elle menacée de disparition ? Pourquoi s'est-elle retrouvée dans cette situation ? Pourquoi est-elle constamment déficitaire ? A l'instar de toutes les entreprises stratégiques, la SNTF bénéficie toujours du soutien de l'Etat. « Le transport ferroviaire est déficitaire. C'est le cas dans tous les pays du monde », affirment les responsables de la société et les syndicalistes. S'ils s'accordent à dire que l'Etat doit mettre la main à la poche pour soutenir une entreprise assurant un service public, les deux parties divergent sur la question de sa gestion. Alors que la direction table sur le plan de développement des rails de 16,6 milliards de dollars dégagés par les pouvoirs publics pour redresser la barre, les travailleurs estiment qu'aucun effort n'est consenti pour améliorer la situation de la société. Qui a raison et qui a tort ? Dans une déclaration faite au début de l'année en cours, le directeur général de la SNTF, Mourad Benameur, avait affirmé que le chiffre d'affaires de la société avait baissé de 50% en 2009. Cet important recul est dû, selon lui, à « la crise économique mondiale ». Cette crise, estime-t-il, s'est répercutée sur le transport des marchandises qui a subi un ralentissement « à cause de la baisse d'activité des deux principaux clients de la SNTF que sont ArcelorMittal et Ferphos ». Du coup, le chiffre d'affaires annuel pour le fret a été revu à la baisse : 2 milliards de dinars au lieu des 3 milliards de dinars prévus. Des pertes en cascade Outre le recul du fret, la SNTF n'enregistre pas un meilleur score dans le transport des voyageurs. Selon le directeur général, la société a perdu, depuis 1990, 30 millions de voyageurs. Elle n'a aujourd'hui que 5% des parts du marché national du transport des voyageurs. Cette mauvaise performance est aggravée par le niveau élevé du découvert de la société estimé à 15 milliards de dinars (gelé par le gouvernement jusqu'à 2013). De plus, les dettes d'investissement de l'entreprise sont de l'ordre de 47 milliards de dinars. Malgré la majoration des subventions de l'Etat au profit de la SNTF, qui passent de 2,5 milliards de dinars à 8,5 milliards de dinars, l'entreprise ne sort toujours pas la tête de l'eau. Cette asphyxie financière n'est que la conséquence directe de la gestion de la société depuis la fin des années 1980. « Plutôt la mauvaise gestion », estiment des syndicalistes et d'anciens cadres de la SNTF qui ont requis l'anonymat. Selon eux, « le déficit de l'entreprise était programmé », en cédant plusieurs de ses filiales aux privés. « Auparavant, l'entreprise disposait de sa propre imprimerie, d'une filiale de nettoyage des gares et elle transportait son personnel. Aujourd'hui, tout cela est fait par le privé à coups de milliards de centimes », expliquent nos interlocuteurs. Et d'ajouter : « Le transport de marchandises qui tire vers le haut le chiffre d'affaires de la SNTF est abandonné. Personne ne cherche après les clients qui sont partis. »