C'est certainement l'accord auquel personne ne s'attendait, d'autant plus que jusqu'à dimanche soir les négociations tripartites — Iran, Turquie et Brésil — semblaient vouées à l'échec. Mais il est là, et il semble mal accepté sinon totalement rejeté par les pays occidentaux, sans remettre en cause la démarche des deux premiers pays, sauf pour dire que personne ne doute de leur bonne foi, mais qu'ils ont été trompés. Et pourtant, autant la Turquie que le Brésil étaient catégoriques hier en affirmant, par la voix de leurs ministres des Affaires étrangères, que « le temps est à la diplomatie », et qu'« il n'y a plus besoin de sanctions » contre l'Iran. Cette déclaration intervient quelques heures à peine après l'annonce de la conclusion d'un accord tripartite. Cette offre de sortie de crise, aussitôt rejetée par les pays occidentaux, et bien entendu par Israël qui entend braquer l'opinion internationale sur l'Iran pour ne pas s'engager dans un quelconque processus de paix avec les Palestiniens, consiste en l'envoi de 1.200 kilos d'uranium faiblement enrichi iranien en Turquie, où il serait stocké dans l'attente de la fourniture à l'Iran par les grandes puissances de 120 kilos de combustible enrichi à 20% nécessaire au réacteur de recherche nucléaire de Téhéran. Cette offre ne répond toutefois que partiellement à la proposition de la communauté internationale faite en octobre à l'Iran sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), rejetée par Téhéran et présentée depuis à plusieurs reprises par les Occidentaux comme "non négociable". L'AIEA demandait à l'Iran d'envoyer, en gage de bonne volonté, 1.200 kilos d'uranium —70% de ses stocks de l'époque — en Russie pour y être enrichi à 20% avant d'être transformé par la France en combustible pour le réacteur de Téhéran. Toujours donc cette position de défiance, même s'il se trouve une voix discordante pour évaluer cet accord en replaçant ses éléments et surtout les parties prenantes dans leurs places respectives. L'analyse en question est celle d'un diplomate occidental qui reconnaît que l'offre iranienne a en quelque sorte piégé l'Occident. Il est vrai qu'elle n'est pas totalement conforme à la proposition de l'AIEA mais, affirme-t-il, elle « va être politiquement délicate à refuser par les Occidentaux, car elle est co-signée par le Brésil et la Turquie (membres non permanents du Conseil de sécurité Ndlr), deux puissances émergentes influentes ». Et cela apparaît dans la manière avec laquelle le Brésil a balayé les critiques israéliennes. « Israël a le droit de dire ce qu'il veut, mais c'est la première fois que l'Iran accepte que son combustible nucléaire soit envoyé dans un pays tiers pour l'échanger » contre de l'uranium enrichi à 20%, a plaidé un conseiller du président brésilien. Le fait est là, semble-t-il dire, et en tout état de cause, Israël semble mal placé, lui qui dispose d'un arsenal nucléaire sans jamais se soumettre aux lois internationales. Ce qu'il appelle l'ambiguité nucléaire. Comment donc analyser un tel accord que la Turquie et le Brésil ont aidé à crédibiliser, une espèce de caution et même de garantie, susceptible de désamorcer la tension actuelle sur le nucléaire iranien ? Pour le chef de l'Etat brésilien, c'est « une victoire pour la diplomatie » que d'aucuns considèrent comme un soutien considérable aux membres du Conseil de sécurité opposés à l'adoption de nouvelles sanctions contre l'Iran pour l'amener à appliquer pleinement les décisions de l'AIEA. Ou encore à respecter ses engagements souscrits dans le cadre du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire).