C'est l'histoire d'une passion, celle de l'Algérien Fayçal Salhi et de son oûd. Ce jeune artiste, qui vit en France depuis vingt ans, a préféré le oûd à la guitare. Il aime aussi accorder le oûd. Samedi soir, il l'a fait devant le public du Dimajazz, le festival international du jazz à Constantine, au théâtre régional de la ville. Constantine. De notre envoyé spécial Fayçal Salhi a donné son nom à un quintet formé en 2004 et composé d'Etienne Demange à la batterie et aux percussions, Vladimir Torres à la double basse, Ricardo Reyes au saxophone et Thomas Alain Nicol au cello. La musique est nerveuse et chaude. Fayçal Salhi puise volontiers dans la source orientale en faisant appel aux touches mélancoliques de son oûd. Ce n'est pas par hasard qu'il rend hommage dans Ah ! Ya Rabih au libanais Rabih Abou Khalil, l'un des maîtres du jazz oriental, celui qui a réussi la fusion entre le jazz et les mélodies arabes. « Aujourd'hui, ma musique reflète le croisement des cultures », nous a confié Fayçal Salhi. Ses compositions font parfois des clins d'œil aux célèbres takassims de Farid El Atrache ou de Mohamed Abdelwahab. Même un proverbe algérien, « maâza wa law taret » (une chèvre même si elle vole), qui se dit d'une personne entêtée, l'a inspiré pour composer un morceau presque philosophique. Le Sahara et le Hoggar n'ont pas laissé insensible ce jeune génie qui a imaginé une musique toute en profondeur, comme peuvent l'être ces immensités désertiques ou cette douleur cachée de la solitude. Samedi soir, le quintet a interprété Al Hayet (la vie), une musique composée par Fayçal Salhi pour le film de Amor Hakkar, La Maison jaune, un film humaniste qui a suscité beaucoup de sympathie. Après Timgad en 2005, Fayçal Salhi Quintet vient de sortir un second album Alwène (couleurs), mis en vente au Dimajazz. Le public a découvert quelques extraits de ce nouvel opus où l'on peut écouter, entre autres, Penne all'arrabiata, composée par Christophe Panzani ou Vent du sud de Fayçal Salhi. Un album qui ressemble à une suite logique du premier. La deuxième partie de la soirée a été assurée par le tunisien Fawzi Chekili, qui n'est plus à présenter et qui est de retour au Dimajazz, sept ans après sa première participation. Il est venu accompagné, cette fois-ci, des jeunes Hamza Zeramdini à la basse, Nafaâ Allam à la batterie et Inès Belayouni au chant. Une manière à lui d'encourager ses anciens élèves de l'école du jazz à l'Institut supérieur de musique de Tunis. « Les jeunes, c'est le rock aujourd'hui en Tunisie. On n'y peut rien, mais il y a aussi des jeunes qui s'intéressent et qui se forment en musique jazz », a soutenu Fawzi Chekili. Lors du concert, Fawzi Chekili a, d'une part, repris des classiques du jazz roots et mis en valeur ses propres compositions, telles que Taniit et moi et Pour un enfant, extraits de son dernier album, d'autre part. L'interprétation de Inès Belayaouni a dévoilé une voix suave, posée et sûre, une voix qui promet. Outre l'éternel Summer time, qu'Inès a interprété avec beaucoup de sincérité, elle a également chanté un classique Khili eykoul wech yhem de Oulaya. Autodidacte, Fawzi Chekili, 60 ans, joue de la guitare, du piano et du oûd. Il a même mis au point un instrument qui rassemble le oûd et la guitare, le fameux « udgé ». Il a à son actif plusieurs albums comme Echihem ou Anfass.