C'est un verdict populaire clair et sans appel. Un verdict prononcé par le tribunal historique. Ainsi, le peuple a donné hier sa réponse catégorique à Gaïd Salah, qui ne cessait d'adresser une série ininterrompue de mises en garde après les marches de ces dernières semaines, notamment lors de son allocution prononcée le 10 juillet au Club national de l'armée. Un peuple plus que jamais décidé à arracher le changement. C'est le cas à Mila, où les dernières déclarations du chef d'état-major ont donné l'effet inverse. Les citoyens ont scandé des slogans hostiles à la personne de Gaïd Salah. «Djich, chaâb khawa, khawa ! El Gaïd Salah mâa lkhawana !» (L'armée et le peuple sont frères, mais Gaïd Salah est avec les traîtres !). Les slogans qui saluaient, les semaines passées, le travail de la justice en matière de lutte contre la corruption et l'enrichissement illicite ont complètement disparu. Selon B. Bilal, l'un des animateurs des premiers vendredis, rencontré loin du parcours de la marche, «la majorité de ceux qui sont sortis ce vendredi est payée par les milliardaires de la wilaya pour jeter du discrédit sur le travail de la justice et l'institution militaire». Avec la même détermination à Khenchela et Oum El Bouaghi, les manifestants sont sortis encore une fois en masse pour crier leur ras-le-bol. Le dernier discours de Gaïd Salah ne semble pas leur faire peur. A Aïn Beïda, ils ont crié surtout «Doula madania machi askaria» (Un Etat civil et non militaire), «Y en a marre, dégagez dégagez !» ou en arabe «Irhalou, irhalou». Sur une pancarte on pouvait lire : «Oubliez vos régions et dites : nous sommes Algériens». A Souk Ahras, les manifestants n'ont pas manqué de rappeler leur attachement aux principes fondamentaux d'un Etat de droit où toutes les libertés seront garanties. Ils ont scandé des slogans hostiles aux responsables des scandales financiers et aux représentants des partis politiques à l'échelle locale et nationale. L'appel pour la libération de l'Algérie et des détenus d'opinion, dont le moudjahid Lakhdar Bouregaâ, a marqué les marches dans plusieurs villes, comme à Batna et Skikda. «Pas de dialogue sans revenir aux articles 7 et 8 de la Constitution», «Pas de dialogue avant le départ de Bedoui et son gouvernement», lisait-on sur les pancartes. «On est en train de vivre un scénario à l'égyptienne, où un militaire se mêle du sort de tout un peuple. Les traîtres ne sont pas ceux qui sont descendus dans la rue, aspirant à un changement pour leur pays, mais ce sont ceux qui ont pillé les richesses de l'Algérie durant 20 ans», a déclaré un manifestant à Tébessa. «La vague d'arrestations d'hommes du sérail accusés de malversations, de corruption et de rapine est une conséquence du hirak populaire, mais cela ne répond pas encore aux aspirations du peuple de pouvoir vivre dans un Etat démocratique. Nous avons l'impression d'assister à un recyclage du système honni et rejeté par les Algériens, à un dévoiement du hirak et à la dissolution préméditée de ses revendications initiales à travers un simulacre de justice déclenché par les plus hauts gradés de la grande muette à l'encontre d'un clan», a estimé un professeur de droit à Biskra.