L'armée thaïlandaise a pris, hier, le contrôle du centre de Bangkok qui offrait un visage désolant après les émeutes qui ont suivi l'assaut meurtrier contre les « Chemises rouges ». Un couvre-feu a été décrété mercredi et prolongé pour trois nuits supplémentaires. C'est dans une Bangkok totalement dévastée par des incendies multiples et impressionnants que l'armée thaïlandaise s'est introduite dans le camp retranché des opposants thaïs. Prenant ainsi un contrôle presque total sur la ville où aucun affrontement sérieux n'était signalé en milieux de journée. Mais le gouvernement a tout de même reconduit le couvre-feu qui a permis, selon lui, de stopper les violences et les incendies allumés par les émeutiers d'un quartier à l'autre. « Il y a encore des militants armés, cachés dans des immeubles » aux alentours de la « zone rouge » évacuée la veille, a affirmé le porte-parole de l'armée, Sunsern Kaewkumnerd. L'accès à la scène, toujours dressée au milieu de la « zone rouge », est limité par une succession de barrages militaires.Le Premier ministre, Abhisit Vejjajiva, dont les « Rouges » exigeaient la démission, a appelé la population à lui faire confiance pour rétablir le calme. « Nous ramènerons la paix et nous nous relèverons », a-t-il assuré mercredi soir. Des incendies spectaculaires Le centre commercial Central World, emblème de la « nouvelle Thaïlande », prospère et ouverte sur l'étranger, menace de s'effondrer à tout moment après avoir été brûlé par les manifestants. Le siège de la Bourse, de la Télévision nationale et plusieurs banques ont eux aussi été incendiés. Des cars et des trains ont été mis à disposition des milliers de manifestants, qui ont trouvé refuge dans un temple bouddhiste, pour les raccompagner chez eux. Ces manifestants, principalement des familles, n'ont pas opposé de résistance. La plupart sont originaires des régions agricoles et plutôt pauvres du nord et du nord-est où l'état d'urgence et le couvre-feu ont été également décrétés après des incendies de bâtiments officiels. Quatorze personnes ont été tuées hier et 91 blessées lors de l'assaut des forces de l'ordre contre le camp retranché des « Chemises rouges » et les émeutes qui ont suivi à Bangkok. Les victimes ont été tuées soit pendant l'assaut et les combats qui ont suivi, lorsque l'armée a entrepris de reprendre le contrôle des avenues de la « zone rouge », soit dans les violentes émeutes qui se sont déclenchées juste après la reddition des leaders des manifestants. Ce qui fait un bilan total de 82 morts et 1800 blessés depuis le début des échauffourées à la mi-mars. Désillusions Malgré un semblant retour au calme, la page est loin d'être tournée car le conflit s'est élargi à une partie de la classe moyenne des villes. Des professeurs ainsi que des commerçants rejoignent le camp des « Chemises rouges » pour dénoncer la mainmise de certaines élites sur le pouvoir, notamment des bureaucrates et des militaires. La constitution d'un gouvernement de coalition semble s'imposer. Mais les guerres claniques au sein de l'élite au pouvoir empêchent l'émergence d'un nouvel Etat.