Les professionnels du tourisme saharien viennent de lancer un véritable cri d'alarme. Ils mettent en garde contre la menace de saison blanche qui guette leurs activités et appellent les autorités à lever l'embargo sécuritaire qu'ils subissent depuis deux ans. Au moment où les autorités font la promotion du tourisme saharien sans lésiner sur les moyens financiers, les professionnels tirent la sonnette d'alarme sur une activité qu'ils disent « menacée » par un embargo sécuritaire qui ne dit pas son nom. En effet, depuis le mois de février dernier, les circuits du Tassili du Hoggar jusqu'à Djanet sont interdits aux agences de tourisme de Tamanrasset, lesquelles sont obligées d'avoir une autorisation pour aller de leur willaya à Illizi, Ghardaïa, Adrar, Naâma, Tindouf, Tlemcen ou Batna. Une situation jugée « catastrophique » par le président de l'Association de tourisme et de voyage de Tamanrasset (ATWT). Selon ce dernier, cette interdiction n'a jamais fait l'objet d'un écrit. « La direction du tourisme de Tamanrasset nous dit verbalement de ne plus se rendre aux sites touristiques de Tassisili, de Tefedest et de ne plus aller à Djanet ni par les pistes du nord ni par celles du sud, sans pour autant nous argumenter sur sa décision. Par contre, elle nous a transmis un écrit dans lequel elle nous a informés que nous devons obtenir une autorisation préalable de la direction du tourisme de chacune des wilayas vers laquelle nous nous déplaçons dans le cadre de notre activité », explique Hamdaoui Ahmed, président de l'ATWT. Pour lui, ces décisions « portent un grave préjudice » au tourisme et « mettent en danger » toutes les activités y afférentes. A ce titre, il tient à rappeler quelques incidents « malheureux » qui ont émaillé la saison écoulée et qui ont suscité la colère des professionnels. Ainsi, en février dernier, les services de sécurité ont reconduit manu militari des touristes et leurs accompagnateurs de leurs circuits vers Tamanrasset « alors qu'ils sont détenteurs de visas délivrés sur la base de la présentation d'une attestation de prise en charge avec des circuits clairement définis (…) Certains touristes en bivouac ont été carrément embarqués à bord d'hélicoptère et débarqués à Tamanrasset, ville où ils ont été abandonnés sans aucune explication ou information. Ce qui constitue une grave dérive aux conséquences néfastes sur notre activité, puisque plusieurs touristes ont exigé des dédommagements. Les demandes d'explication adressées aux autorités locales sont restées sans écho. Nous sommes des opérateurs économiques agréés pour activer à l'échelle nationale sans aucune restriction. Ce sont des entraves anticonstitutionnelles qui donnent une mauvaise image sur le pays. Les potentialités de notre pays sont importantes et méritent une gestion plus intelligente. Nous avons travaillé sans compter depuis des dizaines d'années pour promouvoir l'activité et aujourd'hui, les fruits de nos efforts sont compromis », souligne M. Hamdaoui. Il rappelle que l'association qu'il préside a été créée en 1988 pour contribuer au développement d'un tourisme ne nécessitant pas de grandes infrastructures et de faire de la destination du Sud, la plus privilégiée de la région. « Des milliers de familles vivent de cette activité. Il n'y a rien d'autre pour vivre là-bas. Nous avons réussi à augmenter chaque année le nombre de touristes, parce que la destination est de plus en plus demandée, mais avec ces restrictions inexpliquées, c'est la mort certaine pour le secteur. Il est de ce fait impératif et urgent de lever toutes les entraves et permettre à la prochaine saison (2010-2011) d'avoir lieu. A ce rythme, aucun touriste ne viendra à Tamanrasset », déclare le président de l'ATWT, en précisant qu'un courrier faisant état de l'inquiétude des professionnels a déjà été transmis aux autorités au début du mois de mai, mais à ce jour, il est resté sans suite. Lors d'une réunion ayant regroupé les cadres du ministère du Tourisme avec les responsables des agences de voyages et de tourisme, ces derniers ont exprimé leurs préoccupations « sans pour autant sortir avec des mesures concrètes ». La situation est surtout propre à Tamanrasset, la plus importante destination, puisque à Djanet par exemple, l'interdiction des pistes reliant l'Oasis à Tamanrasset a été notifiée aux agences de tourisme par écrit. M. Hamdaoui estime que la question de sécurité ne peut être uniquement l'affaire des services de l'ordre. Il déclare : « Notre activité nourrit les familles de la région et la sécurité est un élément capital que nous prenons en compte. Nous pouvons participer à l'effort de la sécurisation parce que nous sommes en contact avec toute la population locale. Sans la participation de celle-ci rien ne peut se faire. S'il y a un problème de sécurité, c'est d'abord nous qui allons en pâtir. Si nous avions senti un quelconque danger, nous n'aurions pas accepté d'organiser des circuits où seuls les locaux peuvent accéder. Nous ne voulons pas travailler dans l'illégalité, mais en collaboration avec toutes les parties concernées. Le tourisme est la seule activité qui absorbe le nombre important de chômeurs. La région est au bord de l'explosion. Beaucoup de jeunes ne trouvent plus de travail et la sécheresse a déjà réduit à la pauvreté de nombreux nomades. Si nous perdons la saison prochaine, Dieu seul sait ce qui adviendra de la population. » Si Tamanrasset, la plus importante destination saharienne, vit dans cette situation, qu'en est-il pour les autres régions du Sud ? Visiblement, le plan gouvernemental de développement du tourisme saharien n'est qu'un mirage…