Il ordonne la convocation du corps électoral pour le 15 septembre et décide de la tenue l'élection présidentielle. Le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, passe en force et met tout le monde devant le fait accompli. Sans tenir compte des formes les plus élémentaires exigées par une Constitution – certes désuète – et ne laissant pas le choix au chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, le patron de l'armée impose l'agenda politique et fixe les règles du jeu. En effet, lors d'un discours prononcé devant les troupes dans la 4e Région militaire de Ouargla, Ahmed Gaïd Salah n'a pas fait dans la nuance : «Nous considérons qu'il est opportun de convoquer le corps électoral le 15 du mois de septembre courant, et que l'élection présidentielle puisse se tenir dans les délais fixés par la loi.» Il recommande d'installer «rapidement une instance nationale indépendante pour la préparation, l'organisation et la surveillance des élections, qui supervisera toutes les étapes du processus électoral». Il suggère même la révision de «quelques textes de la loi électorale pour s'adapter aux exigences de la situation actuelle, et non pas une révision totale et profonde qui toucherait tous les textes, tel que revendiqué par certains, ce qui prendrait beaucoup de temps». Là aussi, le général de corps d'armée n'a pas attendu les conclusions de l'Instance nationale de médiation et de dialogue, dont la mission est de faire des propositions sur le déroulement global de l'élection présidentielle pour indiquer la marche à suivre. Faut-il rappeler également que lors de son premier discours appelant au dialogue, le chef de l'Etat par intérim avait promis qu'il reviendrait à «l'instance nationale indépendante pour la préparation, l'organisation et la surveillance» de fixer la date de la tenue de la consultation présidentielle ? Mais il apparaît du point de vue du vice-ministre de la Défense nationale que les choses tardent à se mettre en place. Elles traînent en longueur, alors que lui veut y aller vite. Plus de temps à perdre. Depuis des semaines, le chef d'état-major ne cesse d'appeler, de marteler et d'insister sur l'urgence à organiser le scrutin présidentiel «dans les plus brefs délais». A intervalles réguliers, il revient à la charge, laissant supposer que le gouvernement ne suit pas et qu'il est contrarié. Ses récurrentes interventions n'ont pas, en effet, été suivies d'actes concrets par la présidence de la République. L'effacement du chef de l'Etat de la scène, confiné dans un silence mystérieux, peut être interprété comme un repli tactique pour rendre inopérante l'option décidée par le chef d'état-major ! Abdelkader Bensalah cherche-t-il à «compliquer» les choses pour le vice-ministre de la Défense en ne faisant justement rien ? Il est aisé de constater que le gouvernement Bedoui ne montre pas de signes allant dans le sens de préparer l'échéance présidentielle. Ni le chef de l'Etat ni le Premier ministre ne se sont exprimés clairement sur le sujet. Le silence absolu de Noureddine Bedoui est, à ce propos, intrigant. Il illustre au mieux son incapacité à agir, au pire son opposition sourde à la «feuille de route» du haut commandement militaire. Gaïd Salah le laisse entendre, dans son discours d'hier, lorsqu'il évoque l'existence au sein des institutions de l'Etat de relais de la «bande» (le clan de Bouteflika) qui, vraisemblablement, bloqueraient la démarche d'organisation de l'élection présidentielle : «Elle (la bande) qui n'a pas hésité à conspirer secrètement et en public en s'appuyant sur ses acolytes disséminés dans les structures des différentes institutions, lesquels ont eu pour mission d'entraver l'action du gouvernement et des institutions de l'Etat, et créer une situation d'impasse.» Mais au-delà des blocages au sein des appareils de l'Etat qu'il évoque, le chef d'état-major devra faire face également aux mobilisations populaires qui expriment un refus catégorique d'aller vers une élection présidentielle dans les conditions politiques actuelles. La rentrée sociale s'annonce décisive. Le «peuple du vendredi» promet une deuxième vague de la révolution démocratique encore plus importante. De toute évidence, le pari d'organiser une présidentielle dans trois mois paraît difficile à tenir. Matériellement, rien n'est engagé. L'assainissement du fichier électoral à lui seul est une tâche qu nécessite beaucoup de temps et la mise en place de l'instance d'organisation du scrutin présidentiel n'est pas une sinécure non plus. Et si l'insurrection citoyenne se relance avec force, il ne sera pas facile pour les potentiels candidats de se lancer dans la campagne électorale sans courir le risque de se mettre à dos l'opinion. Le cas de la élection présidentielle du 4 juillet est, à ce titre, à méditer. En tout état de cause, le discours d'Ahmed Gaïd Salah va sans nul doute servir de carburant à la mobilisation citoyenne.