Béjaïa et Tamokra ont parlé de la même voix, il y a quelques jours, pour évoquer Sidi Yahia Alaydli, savant soufi, mort en 1477, et qui a fait l'objet d'un colloque auquel ont pris part d'éminentes personnalités, des universitaires notamment. Fondateur de l'une des toutes premières zaouïas de Kabylie, prodiguant la savoir, Alaydli a été l'élève d'un des plus grands fqih en son temps, Ahmed Ben Ibrahim el Bijaï, mort en 1437 et évolua dans un milieu scientifique exceptionnel aux côtés de Abderrahmane Athaâlibi et Sidi Touati... Pressentant l'invasion espagnole, Aydli prépara assez tôt le repli des ulémas bougiotes vers l'arrière-pays. Auteur de la fameuse Wadhifa commentée par Hocine El Ouartilani (1713-1779) et par El Kharoubi Al Trabelsi, Aydli créera à Tamokra l'une des premières zaouïas institut de la Kabylie. Pour avoir une idée précise du niveau atteint dans cette institution, il faut se référer au traité El Mukadima fil fikh, plus connu sous le nom d'Al Waghlissia, ouvrage du célèbre juriconsult Al Waghlissi, mort en 1384, qui deviendra pendant des siècles l'ouvrage de référence des étudiants. C'est à Tamokra que ce traité a fait l'objet des débats les plus intenses. En effet, les sharh (commentaires) les plus connus de cet ouvrage sont celui d'Ahmed Zeruk Al Barnussi (1443-1493) et celui de Abdelkrim Azzawi. Ce dernier commentaire a fait l'objet d'un abrégé de Abderrahmane Essebagh. Tous ces ouvrages, qui obéissent à des objectifs pédagogiques précis, avaient été commandés par Yahia Alaydli au moment- même où il était en train de consolider les fondements de son institut. La Wadhifa de Yahia Elaydli, qui a été récitée à Sidi Soufi (Béjaïa) jusqu'aux années 1930 est encore de nos jours un texte de référence à la zaouïa de Tamokra, du cheikh Tahar Aït Aldjet et qui fait partie désormais du patrimoine culturel de la wilaya. Le patrimoine comprend le mausolée du cheikh Alaydli, la mosquée Tighilt, la mosquée Ihoudjan, l'ancienne zaouïa et le hamam Ouguelmine. Des théologiens, des universitaires venus des quatre coins du pays, ainsi que de Tunisie, Anna Maria di Tolla de l'université de Naples, et Judith Sheele dont la communication « Les sources écrites et orales de Yahia Adli) a été lue par M. Aïssani, et se sont relayés pour percer les secrets du soufisme à travers le savant Aydli qui a contribué à former plusieurs disciples qui s'y réfèrent chaque fois qu'il est nécessaire. Les thèmes débattus, tout aussi intéressants les uns que les autres, ont suscité un intérêt particulier parmi un auditoire tout ouïe. Anna Maria Di Tolla est venue de Naples pour discourir sur « Les femmes au sein du mouvement intellectuel à Béjaïa à l'époque de Aydli », alors que Tassadit Yacine de Paris s'est intéressée à « La production littéraire autour des miracles légendes de Aydli ». Ahmed Zerrouk, élève de Aydli, a fait l'objet d'une analyse approfondie de la part de deux intervenants : Talia Saâdou de Tiaret et Sadek Ouali de l'association des ulémas. Zinedine Kacimi, de l'institut Qira'at d'Alger, Ali Taâouninat de l'université d'Alger ont tenté de percer la personnalité du soufi, de même que Salah Aït Adldjaï de la zaouïa de Tamokra, fils du cheikh Tahar, gardien du temple Gaher du hci, Djelloul El Hadj de Temouchent, Boubaya d'Oran, Sadek Bela, Mohamed Akli, Aït Bouki de l'université de Sétif. S'il faut relever l'importance de la zouïa de Tamokra, bien tenue par le cheikh Salah, il serait malvenu de ne pas citer aussi l'association Gehimab et Djamil Aïssani qui ont su ressusciter des valeurs enfouies et mis en phase en région, avec ses illustres enfants qui, il y a des lustres, avaient su faire rayonner le savoir et les lumières.