Les travaux du traditionnel sommet Afrique-France s'ouvrent aujourd'hui à Nice, dans le sud-est de la France, avec la participation de trente-neuf chefs d'Etat et de gouvernement africains. Nice (France). De notre envoyé spécial Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, participera aussi à ce forum organisé désormais tous les trois ans et qui coïncide cette année avec la célébration, en Afrique, du cinquantenaire des indépendances. Contrairement donc à ses précédentes éditions, le 25e sommet Afrique-France s'annonce comme celui du bilan autant pour les pays africains cinquante ans après la fin de la colonisation française que pour les relations entre l'Afrique et la France. Des relations caractérisées pendant longtemps par une grande ambiguïté. Si les dirigeants africains se montrent plutôt hostiles à l'idée de dresser un bilan de leur présence au pouvoir en raison du fait, tout simplement, que les acquis et les réalisations restent encore très en deçà des aspirations de la majorité des opinions africaines, des proches du président français ont par contre réitéré le souhait de l'Elysée de rompre avec la Françafrique et, par conséquent, de redéfinir la politique africaine de la France. En un mot, Nicolas Sarkozy chercherait à normaliser les relations de la France avec l'Afrique et de faire en sorte à ce que le sommet Afrique-France – qu'il présidera cet après-midi pour la première fois – ne se résume plus à un tête-à-tête entre la France et ses anciennes colonies. A ce propos, les observateurs et la presse internationale n'ont pas manqué de relever que le célèbre « dîner des amis » qui réunissait encore sous Jacques Chirac la France et des grandes figures de la « Françafrique » à la veille de chaque sommet a disparu du programme. Autre nouveauté : la décision a été prise d'ouvrir à l'avenir le sommet à l'ensemble du continent. En effet, cinquante et un pays africains seront représentés à Nice, à commencer par l'Afrique du Sud et le Nigeria. Ce changement résulterait du fait que Nicolas Sarkozy a décidé aussitôt son arrivée au pouvoir d'adopter une nouvelle doctrine à l'égard de l'Afrique. A chacun de ses rendez-vous africains, il a d'ailleurs à maintes fois déclaré que l'ère des soutiens aux régimes dictatoriaux et corrompus, des chasses gardées commerciales et de la diplomatie parallèle de la France sur le continent noir est révolue. Il y a peu, Nicolas Sarkozy proclamait au Gabon sa volonté de normaliser les relations franco-africaines et d'en finir une fois pour toutes avec « les clichés et les fantasmes ». Bref, d'en finir avec la Françafrique. L'ouverture aux pays anglophones n'est pas la seule mutation que connaît le sommet Afrique-France puisque ce forum s'ouvre aussi pour la première fois au monde économique. Là aussi, M. Sarkozy a exigé à ce que les habitudes évoluent. Malgré tous ces changements, Nicolas Sarkozy peine tout de même à convaincre qu'il a complètement tourné la page de la Françafrique. Quoi qu'il en soit, de nombreux experts de la politique française estiment que « si la Françafrique incestueuse et patrimoniale est morte, celle des réseaux est, elle, toujours bien vivante ». Ces mêmes experts font néanmoins remarquer que le président Sarkozy n'a pas beaucoup d'appétence pour les « affaires africaines », cela contrairement à Jacques Chirac ou à François Mitterrand. Ce manque d'appétence fait d'ailleurs que c'est à Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, – autour duquel gravitent des capitaines d'industrie et d'anciens politiques français – qu'est revenu la lourde et sensible tâche de gérer ces réseaux. Jusqu'à maintenant, Claude Guéant s'acquitte plutôt bien de sa « mission » dans la mesure où il a réussi à sortir les relations algéro-françaises de leur crispation (la preuve, le président Bouteflika a fini par accepter de venir à Nice) et a géré d'une main de maître avec le chef de l'Etat sénégalais la libération de Clothilde Reiss. A posteriori, le rôle joué par le Sénégal dans l'« affaire Reiss » prouve aussi que les réseaux évoqués plus haut jouent dans les deux sens. Ils sont autant afro-français que franco-africains, cela tout comme ils bénéficient du travail d'une constellation d'organisations non gouvernementales. Z. C.