C'est un vendredi très particulier pour les algériens. La journée de mobilisation populaire cet après midi a été décisive pour les centaines de milliers d'algériens qui ont battu le pavé à travers toutes les régions du pays pour afficher leur position unanime à un rejet massif à l'échéance présidentielle prochaine fixée au 12 décembre et pour condamner vigoureusement la dictature et de son appareil répressif. La capitale, cible parfaite de Gaid Salah et la force motrice du hirak, a non seulement pas dérogé à la règle mais elle a brillé aussi par un tsunami humain qui a déferlé dans les moindres recoins du centre ville contrairement aux dernières semaines où le mouvement était presque symbolique, et cela en réponse au énième tour de vis annoncé par le chef de l'armée Ahmed Gaïd Salah mercredi dernier à partir de la sixième région militaire (Tamanrasset) où ce dernier avait franchi le Rubicon en donnant instruction à la gendarmerie de verrouiller les accès de la capitale pour les manifestants des autres wilayas, estime-t-il, drainés par « des parties malveillantes ». A cet effet, ce trente et unième vendredi a été spécialement dédié pour le chef d'état major où il en a prit carrément pour son grade. Tous les slogans convergeaient contre sa propre personne. A la place de premier (1) mai où le mouvement a prit le départ, des noyaux humains se formaient, munis de leurs arsenaux (pacifique) habituels, drapés de l'emblème national et pancartes en mains qui traitent l'actualité de la semaine. La rue Hassiba Ben Bouali a drainé des milliers de personnes qui scandaient à l'unisson le slogan phare de cette journée à l'adresse du vice ministre de la défense « Asmaa ya el Gaïd dawla madania machi askariya » (Nous voulons un état civil et non militaire), scandent-ils et d'enchaîner «Chaab yourid iskate Gaïd salah » (Le peuple exige la destitution de Gaïd Salah). A la place de la grande poste en dépit d'un dispositif de sécurité renforcé tout autour, les manifestants gonflés à bloc par une détermination sans précédant, n'ont pas été dissuadés par les tentatives d'intimidation de certains agents de polices. Des grappes humaines ont afflué sans discontinue des quatre points cardinaux, de la rue Amirouche jusqu'à l'avenue pasteur et de la rue Emir Abdelkader jusqu'à la rue Didouche Mourad. Autre slogan qui a marqué cette marche pacifique est celui de « Jina harraga lel assima » (Nous sommes venus harragas dans la capitale), ont-ils scandé pour contrecarrer les propos du chef de l'armée suite à l'interdiction de marche pacifique dans la capitale le vendredi pour les populations venant d'autres wilayas du pays. « Nous sommes venus malgré tout et contre tout à pieds pour afficher notre soutien aux algérois et pour dire a ceux qui nous interdisent de marcher dans notre propre pays que cela est impossible étant donné que l'Algérie est un pays indivisible », lance un groupe de jeunes venus de la Kabylie et des hauts plateaux ». Un homme, la cinquantaine, a été concis en lançant devant tout le monde « Les algérois ont magistralement répondu à la décision de Gaïd Salah, nous sommes plus nombreux que d'habitude». Vers 15h, le mouvement grossissait graduellement atteignant son paroxysme, épaulé par les manifestants venant des autres communes de la capitale en particulier ceux d'El Harrach.. Par ailleurs, cette sortie a été l'occasion aussi pour lancer un crie contre l'appareil répressif qui a broyé injustement des citoyens et des militants pour port de l'emblème amazigh ou pour une opinion exprimée. A la rue Didouche Mourad plusieurs associations ont marché affichant des pancartes pour la libération des détenus d'opinion à l'instar de Karim Tabou, Fodil Boumala, samir Benlarbi et le moudjahed Lakhder Bouragâa. Le fils de ce dernier qui s'est invité à la marche s'est exprimé quant à l'incarcération de son père « Mon père est dans le même carré que Samir Benlarbi et Fodil Boumala et son moral est au beau fixe», a tenu a rassurer Hani. D'autres slogans ont vibré ce vendredi portés par l'insurrection populaire et scandés en cœur citant « makache el vote » (pas de vote) , « y en a marre des généraux » ou autre « dirou intikhabate fel imarate » (faites vos élections aux émirats ». En somme, ce trente et unième vendredi rappelle la fougue des premières semaines du hirak, magistrale !