La quatrième soirée de projection des Rencontres cinématographiques de Béjaïa (RCB) a été aux tristes couleurs d'un drame humain exclusivement féminin. Si le cadre est italien, le mal se conjugue à la dimension de la femme où qu'elle soit. The vice of hope (Le vice de l'espérance) est un long métrage fiction d'Edoardo De Angelis, proposé pour les RCB par l'ambassade d'Italie. L'ambassadeur, Pasquale Ferrara a fait le déplacement jusqu'à Béjaïa et a pris place parmi le public pour assister à la projection, sans la présence d'aucune autorité locale. Le film, sorti en salles en novembre 2018, était en avant-première algérienne. Avec des dialogues en italien, sous-titrés en français, il livre des images puissantes d'un combat de femmes, d'un combat de vie. Maria (Pina Turco, meilleure actrice au Festival international du film de Tokyo en 2018) s'est vu engager dans le soutien à un trafic de femmes enceintes et de bébés. Ces femmes, dont des Africaines, sont otages du trafic des réseaux de la mafia. Le fond musical qui traverse le film, d'où l'on entend des chansons en kabyle et en arabe, est fait pour montrer que le mal est sans frontières et qu'il ne s'accommode pas des nationalités et des races. Certaines des victimes cèdent, d'autres tentent de fuir pour pouvoir garder leurs bébés. Toutes ont l'envie maternelle de donner une vie, y compris Maria, dont le côté maternel finit par déborder. «Une femme qui veut un enfant est une mère autant que celle qui le porte», dit un personnage dans le film. Les décors sont en parfaite concordance avec la gravité du phénomène. Les faits se passent à Castel Volturno, une ancienne station balnéaire italienne que longe le fleuve dont elle porte le nom et où sévit la Camorra. Maria traverse le fleuve avec sa barque pour transporter de nuit des femmes qui vont aller accoucher de l'autre côté de la rive, dans un abri de fortune. Avant d'entrer, chacune reçoit son argent. La prostitution contribue à enfanter la misère de ces femmes qui donnent, le cœur saignant, leurs propres bébés. Le film met en avant des personnages presque exclusivement féminins, donnant à la fiction les relents d'une œuvre féministe. L'introduction du personnage masculin de Carlo Pengue n'est pas pour autant une immixtion dans ce tableau noir d'une misère que l'homme, effacé de la trame, a lui-même créée. Dans le film, Carlo a joué le rôle du «bon», c'est lui qui a repêché Maria lorsqu'elle a été jetée dans le fleuve encore jeune fille. Et c'est lui qui l'aidera à reprendre espoir lorsque Maria affronte la pénible épreuve de devoir mourir en accouchant de son bébé. La scène de l'accouchement dans une bâtisse en ruine au bord du fleuve est forte de symbolique. Les femmes subissent à leur corps défendant les affres de pressions multiples qui les livrent à plusieurs feux. Maria, comme Fatima, Nathalie et les autres femmes enceintes qu'elle assiste, font leur purgatoire dans un monde où elles nourrissent malgré tout le courage et la résilience. Les décors portent volontairement des teintes d'anarchie, de mélancolie, de misère et de désolation : temps pluvieux, froid, bâtiments en ruine, débris, promiscuité, obscurité de la nuit, mines défaites, vêtements ternes et errance. Parmi ce tas de confusion, l'histoire fait une place pour de rares expressions d'amours, dont celle qui lie Maria à son fidèle chien qu'elle pleure chaudement lorsqu'il meurt. Mais, après tout, Le vice de l'espérance reste un hymne à la vie.