Les prémices d'un nouveau clivage arabe sur la question palestinienne se font nombreux. La Ligue arabe est confrontée, une nouvelle fois, à ses propres contradictions. Amr Moussa, le secrétaire général de la ligue, devra trouver les mots justes pour convaincre les pays arabes à définir une « réponse collective » à l'agression israélienne. Le responsable de l'institution arabe devra surtout faire oublier le retard accumulé pour riposter à l'assaut d'Israël. En l'absence d'un chef d'Etat arabe charismatique, Amr Moussa semble compter sur l'appui de la Turquie, pays musulman non arabe, pour redonner de la vitalité à une ligue de plus en plus craintive. « La Turquie comprend le conflit du Moyen-Orient de la même manière que les pays arabes », a souligné, à ce propos, Amr Moussa, en préambule à la réunion d'urgence tenue hier au Caire pour « examiner une série de mesures juridiques, politiques et diplomatiques ». Les ministres arabes des Affaires étrangères devront se réunir aujourd'hui au Caire pour entériner une décision commune. La mission paraît compliquée tant les prémices d'un nouveau clivage arabe sur la question palestinienne se font nombreux. Se réveillant d'une longue léthargie, le président égyptien, Hosni Moubarak, a décidé d'ouvrir le terminal de Rafah pour l'acheminement de l'aide humanitaire et le passage des malades, sans préciser la durée du répit. A aucun moment, le président égyptien n'a effleuré l'éventualité de rompre ses relations avec l'Etat hébreu, se contentant de « convoquer » l'ambassadeur d'Israël au Caire pour lui faire part de sa « protestation », au même titre que la plupart des pays occidentaux. Le président Moubarak a même essayé, par une pirouette sémantique, de défendre l'indéfendable en faisant porter aux islamistes palestiniens du Hamas une part de responsabilité dans la poursuite du blocus israélien imposé à l'enclave depuis 2007. Rien d'étonnant dès lors que même l'ambassadeur d'Israël en Egypte, Yitzhak Levanon, convoqué par les Affaires étrangères égyptiennes, juge la position égyptienne « plutôt modérée ». Sauver les apparences D'autres pays arabes, entretenant des liens solides avec les Etats-Unis, tentent de réanimer le processus de paix entre Palestiniens et Israéliens, ouvrant la porte de la normalisation avec l'Etat hébreu. Seul le Koweït a pris hier la décision de se retirer de l'initiative arabe de paix, menée notamment par l'Arabie Saoudite et abondamment décriée par Damas et Beyrouth. Dans la réunion d'hier, le délégué somalien de la ligue tenait des propos empreints de lucidité : « Les positions des pays arabes, disait-il, sont très éloignées des sentiments de la rue arabe. » Pour contenir la colère des populations arabes et pour sauver les apparences, l'organisation d'Amr Moussa doit se montrer intransigeante. Les communiqués et autres déclarations d'intention de la Ligue arabe ne peuvent compter tant Israël se moque de la communauté internationale et de la communauté arabe en particulier. Si les trente-deux décisions du Conseil de sécurité de l'Onu, dont la fameuse résolution 242, votées en 1967, n'ont pas eu d'effet sur le terrorisme israélien, que les rapports accablants d'Amnesty International n'ont pas été suivis de sanctions et que les mises en garde de l'Union européenne n'ont pas provoqué un vague mea culpa sioniste, quel poids peuvent avoir les déclarations hésitantes des dirigeants arabes ? Le sommet extraordinaire de la Ligue arabe d'aujourd'hui pourrait bien constituer un ultime aveu d'impuissance des pays arabes.