Prévue du 28 au 29 mars, la conférence nationale sur la réforme de la justice réunira quelque 1400 participants, parmi lesquels des experts venus d'Italie, d'Espagne, de Belgique, de France et des Emirats arabes unis, pour parler de leurs expériences dans certains domaines liés à la lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et les nouvelles formes de criminalité. En fait, il s'agit beaucoup plus d'un colloque sur le thème de la réforme judiciaire qu'une conférence telle qu'annoncée publiquement par le ministre de la Justice, dans la perspective de faire le bilan de l'application des recommandations de la commission Issaâd. C'est ce qui ressort de la conférence de presse animée hier par le chef de cabinet du ministre de la Justice, M. Sahraoui. Selon lui, l'objectif de cette rencontre est de sortir « avec des recommandations qui serviront de documents de base au programme de la réforme judiciaire, durant les cinq prochaines années ». Or la mission de la commission Issaâd était justement de faire des recommandations qui serviront de plan d'action à la réforme judiciaire. Dans ce sens, des rencontres régionales avec les magistrats et les auxiliaires de la justice ont été organisées durant les derniers mois de l'année écoulée et ont permis aux participants de débattre des véritables problèmes du secteur et de proposer des solutions, qui seront à leur tour soumises à la conférence nationale de la réforme de la justice. Contre toute attente, le ministère de la Justice a préféré ne tenir compte que des propositions qui émaneront des travaux de la rencontre des 28 et 29 mars au Palais des nations. 42 000 détenus dans les prisons A l'ordre du jour de ces travaux, vingt et une communications autour de sept thèmes principaux. Le premier concerne la révision du dispositif législatif pour le rendre adéquat avec les réalités liées aux droits de l'homme, aux transformations économiques, sociales, politiques et culturelles du pays, à la mondialisation (l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce et le partenariat avec l'Union européenne), aux engagements internationaux de l'Algérie, aux nouvelles formes de criminalité, à la famille, au rôle des auxiliaires de justice dans l'activité judiciaire, à l'accès à la justice et à l'assistance judiciaire. Le deuxième thème de cette conférence a été consacré à la place des ressources humaines dans la réforme. Le troisième volet a trait à la modernisation et à l'organisation de la justice à travers la modernisation de la gestion judiciaire. La réforme du système pénitentiaire est le quatrième thème de cette conférence axée autour de plusieurs communications relatives aux nouvelles dispositions de la loi portant organisation pénitentiaire, à l'humanisation des conditions de détention, à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, à la couverture sanitaire, au renforcement de la politique de rééducation et de réinsertion des détenus. En plus des travaux en plénière, des ateliers techniques ont été prévus dans le but de débattre des sujets liés au traitement et au mécanisme de lutte contre les nouvelles formes de criminalité, à la justice et la mondialisation, aux voies alternatives du traitement du contentieux, au rôle des ressources humaines, au rôle de l'activité judiciaire, à la modernisation de la justice et la réforme pénitentiaire. « Les recommandations qui cloront les travaux en plénière et les ateliers serviront de documents de base pour l'élaboration d'un programme de travail de cinq ans », a déclaré M. Sahraoui. Il a signalé qu'un bilan de la réforme sera également au menu de cette rencontre dans le but de « faciliter la communication entre le secteur de la justice et son environnement, d'améliorer et d'activer le rôle des différents secteurs de l'Etat dans la réforme, d'impliquer la société civile dans l'opération de réforme et d'informer les partenaires étrangers sur le processus de réforme ». Interrogé sur le bilan de la réforme engagée après les recommandations de la commission Issaâd, M. Sahraoui a dressé un constat « très positif » de son secteur, notamment à travers l'informatisation du casier judiciaire. « L'Algérie est le seul pays au monde où le citoyen peut avoir son casier judiciaire dans n'importe quel tribunal et à la minute même ». Il a indiqué qu'un « effort » a été fait en matière de réforme de la justice à travers les mesures urgentes engagées liées au renforcement du principe de présomption d'innocence, au droit à la défense, à la garde à vue, à la détention préventive et à la formation des magistrats. « Un projet de codes de 1067 articles civils et administratifs est en phase de finalisation et servira à améliorer la procédure judiciaire, mais aussi la gestion pénitentiaire. A ce sujet, nous tenons à rappeler les différentes visites, au moins huit, de la Croix-Rouge, et dont les rapports sont très positifs. Le seul point noir reste la surpopulation du fait du manque d'infrastructures. Nous avons donc prévu la construction de 42 nouveaux établissements d'une capacité de 36 000 places. » M. Sahraoui a affirmé que le nombre des détenus a atteint 42 000, dont 3500 à 4000 (12%) ne sont pas encore jugés. Il a expliqué que cette conférence sera une occasion pour près de 900 magistrats, dont ceux de la justice militaire, mais également « les membres de la commission nationale de la réforme de la justice, les représentants de la société civile, les experts nationaux et internationaux pour évaluer le processus de réforme engagé depuis cinq ans, et tracer les nouvelles perspectives et actions à entreprendre ». Pourtant, de nombreux citoyens se plaignent de la non-application des décisions de justice, lui a rétorqué un confrère. « Nous avons pris des mesures pour que ces décisions soient appliquées, même s'il faut recourir à la force publique », a-t-il répondu, avant de préciser que le thème du point de presse doit rester lié à la conférence. Des étrangers invités en tant du'experts En tout, a-t-il dit, près de 2000 personnes, dont au moins 150 journalistes, seront présentes à cette rencontre, qui sera inaugurée par le président de la République. Selon lui, les invités étrangers sont le directeur de cabinet du premier président de la Cour de cassation française, le premier président de la Cour de cassation belge, le président de l'Union internationale des huissiers de justice et officiers judiciaires, le directeur adjoint de l'Ecole nationale de la magistrature de France, un représentant de la justice italienne et un expert de l'informatique émirati. Par ailleurs, le chef de cabinet a esquivé la question relative à la composante de la commission scientifique, qui a la charge de la préparation de cette conférence. Il a juste indiqué qu'il s'agit d'une cinquantaine de personnalités, qui, selon des indiscrétions, font surtout partie du personnel administratif ou de simples magistrats anonymes.