Les marcheurs ont récusé en bloc la tenue de l'élection présidentielle sous les auspices des mêmes figures. L'affirmation de la volonté populaire de rejeter l'élection présidentielle et de se débarrasser du régime politique en place s'est exprimée hier par les voix unies de dizaines de milliers de Constantinois qui, avec une ferveur exceptionnelle, ont littéralement envahi la ville du Vieux-Rocher à partir de 14h. Vingt-quatre heures après le dernier discours du chef d'état-major de l'armée, depuis Constantine, où il a affirmé que la présidentielle "va se tenir dans les délais impartis", la réponse des Constantinois ne s'est pas fait attendre. Elle fut même hautement significative. L'esplanade du palais de la culture Mohamed-Laïd-Al-Khalifa, épicentre du hirak à Constantine, était noire de monde juste après la prière du vendredi. Les manifestants sont venus des quatre coins de la ville réitérer leur attachement aux revendications populaires et affirmer, une fois de plus, leur résolution d'en découdre avec les résidus du système Bouteflika qui, selon eux, "tentent d'imposer au peuple une élection présidentielle qui régénérerait le même système". Les marcheurs du "O", en référence à l'itinéraire en forme de boucle emprunté depuis le début du soulèvement populaire, ont récusé en bloc la tenue de l'élection présidentielle sous les auspices des mêmes figures. Les slogans de ce 30e vendredi de mobilisation ont visé essentiellement cette échéance. Les marcheurs ont affiché clairement leur refus catégorique de ce rendez-vous électoral tant que les symboles de l'ancien système demeurent en place. Pour sa part, le chef d'état-major de l'armée, cible des manifestants depuis plusieurs semaines, n'a pas été épargné. Hier, il a été pointé du doigt sans répit : "Gaïd Salah dégage", "Dawla madania, machi âaskariya". Les slogans les plus scandés étaient une réponse cinglante au calendrier électoral suggéré par le chef d'état-major de l'armée et au discours politique ambiant du pouvoir : "Makanch l'vote, wallah ma ndirou, Bedoui w Bensalah lazem itirou. W'idha b'erressas hebbitou ettirou, wallah marana habssine" (Pas de vote, nous ne le ferons pas, Bedoui et Bensalah doivent partir. Même si vous deviez nous tirer dessus, nous ne nous arrêterons pas), "Gaïd Salah dégage", "Makanch intikhabat mâa el-îssabet", "Makanch el-vote ya s'hab el-kaskrot" (Adeptes du casse-croûte, il n'y aura pas de vote), "Asmaâ ya l'Gaïd, dawla madania machi âaskaria'' ou encore "Siada chaâbia, marhala intiqalia" (Souveraineté populaire, période transitoire). Des slogans traditionnels ont également retenti tout au long de l'itinéraire emprunté par les marcheurs : "Djazaïr hourra dimocratia", "Y en a marre des généraux" et bien d'autres, tels que "Bensalah dégage, Bedoui dégage". Les marcheurs n'ont pas oublié les détenus d'opinion, notamment Karim Tabbou, porte-parole de l'Union démocratique et sociale (UDS), arrêté et incarcéré il y a deux jours à la prison de Koléa. À ce titre, ils ont repris en chœur : "Allah Akbar, Karim Tabbou" ; "Libérez khawetna ou jibou ouled El-Gaïd" (Libérez nos frères et ramenez les enfants de Gaïd Salah), "Libérez Bouregâa" ou encore "Adala betilifoun, El Gaïd wela feraoun" (Justice du téléphone, Gaïd est devenu un pharaon).