Je condamne de la manière la plus forte ce massacre sanglant… Cette attaque insolente et irresponsable qui piétine toute vertu humaine doit absolument être punie », cette phrase lancée, hier, par le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, sonne-t-elle le glas des relations privilégiées entre son pays, la Turquie, et Israël ? Si la réponse à cette question appartient à l'avenir, il y a lieu tout de même de souligner que les relations entre les deux « Etats alliés » sont au plus mal et risquent le pire. La virulence des propos d'Erdogan creuse en tout cas la tombe de l'entente bilatérale. Déjà très tendues depuis l'agression israélienne contre Ghaza en 2008, les relations bilatérales entre les deux pays connaissent avec l'attaque de la « flottille de la liberté » un tournant important. Dans un discours prononcé au Parlement hier, Erdogan met la communauté internationale devant ses responsabilités et la somme de « dire non aux agressions d'Israël ». Empruntant un ton fort et sans ambiguïté, le Premier ministre turc accuse Israël, qu'il qualifie « d'abcès ouvert pour la paix dans la région », de cultiver le mensonge. « Vous dites que vous avez riposté à une attaque, arrêtez donc de mentir, nous avons plus qu'assez de vos mensonges », assène-t-il à l'Etat sioniste, en joignant un geste de dégoût. Erdogan hausse davantage le ton pour passer à la menace : « L'amitié de la Turquie est précieuse, mais son inimitié est d'autant plus violente… Israël ne doit pas mettre à l'épreuve la patience de la Turquie. » Et d'ajouter : « Sachez que nous ne tournerons jamais le dos à Ghaza et nous ne l'abandonnerons jamais », dit-il, comme pour affirmer une position très honorable prise par son pays lors de l'agression de ce territoire palestinien il y a plus d'une année. Les propos d'Erdogan ne sauraient traduire une simple colère passagère, l'attaque israélienne est bel et bien la goutte qui a fait déborder le vase du contentieux israélo-turc. La presse turque est d'ailleurs unanime à dire que le sort en est jeté des relations bilatérales. Israël a perdu un allié fort et la Palestine a gagné une voix et un soutien précieux. L'homme malade semble se réveiller et même bien se porter pour donner à la Turquie un nouveau visage, celui d'un leader qui brandit fièrement l'étendard d'une région stigmatisée et sujette à la répression occidentalo-israélienne. Contrairement aux pays arabes, la Turquie a su se libérer d'une politique étrangère aux ordres des puissances occidentales. Elle s'affirme comme un Etat capable de dire non et de se faire entendre. Sortant de sa chrysalide, la Turquie vole de ses propres ailes et devant le rejet de l'Europe de l'intégrer dans son espace, elle se tourne vers cet Orient d'où elle a tissé son ancien Empire ottoman.