L'association RAJ serait-elle dans le collimateur des autorités et des services de sécurité ? Pourquoi dérange-t-elle à ce point ? Depuis le début du mouvement populaire, le 22 février dernier, l'organisation des jeunes semble soumise à un régime de surveillance intensive. Plusieurs de ses militants sont interpellés, dont trois ont été carrément placés sous mandat de dépôt pour leur activisme dans le hirak. Et la pression a augmenté d'un cran ces dernières semaines. Considère-t-on RAJ comme une association «subversive» ? C'est visiblement le cas, au regard de l'attitude des autorités à son égard. Surveillance de près, interpellation de ses militants et interdiction de certaines de ses activités, à l'image de son université d'été non autorisée à Béjaïa, pour la première fois depuis plusieurs années. Pis, ses militants et ses invités ont même subi une répression féroce dans la même wilaya, lorsqu'ils ont voulu tenir cette activité sur une place publique de la ville des Hammadites. Zoom sur une association qui a survécu à 28 ans de verrouillage du champ politique algérien… Fondée en 1992 par 22 jeunes femmes et hommes venant de divers horizons, l'association a été agréée le 16 mars 1993. Elle a donc vu le jour dans un contexte particulier de l'histoire du pays : début de la décennie noire. Ses fondateurs, comme le précise Hakim Addad, ancien secrétaire général du RAJ, ont relevé «le défi de sensibiliser les jeunes sur les questions de démocratie, des droits de l'homme, de la citoyenneté et de la solidarité». «Entretenir le flambeau d'octobre 1988» «Le RAJ a été fondé par 22 jeunes : 11 filles et 11 garçons soucieux d'entretenir la flamme d'Octobre 1988 pour concrétiser les aspirations d'un peuple qui s'est soulevé contre le régime dictatorial et exiger un changement radical du système», rappelle Hakim Addad. Selon lui, le contexte de l'époque ressemble à celui d'aujourd'hui. «Nous sommes sous le même régime. A l'époque, il y avait la guerre civile et aujourd'hui une dictature qui ne dit pas son nom. Nous avons alors décidé de relever le défi et de casser certains tabous. C'est pourquoi nous avons placé Dalila Taleb (devenue par la suite députée du FFS) comme porte-parole de l'association», explique Hakim Addad. Parmi les fondateurs, ajoute-t-il, il y a aussi des militants convaincus, tels que Yahia Assam (premier trésorier de l'association) et Mourad Oufarhat, surnommé Si El Houas, puisqu'il était responsable des comités au niveau national. L'action du RAJ, explique-t-il, a été axée, durant la première année de son existence, sur Alger. «Nous avons choisi de nous adresser aux jeunes des quartiers de Bab El Oued, Belouizdad, Bachdjarrah…, les lycées et les Fac. Ensuite, nous avons élargi nos activités à d'autres régions et nous avons pu avoir des comités dans une vingtaine de wilayas», rappelle-t-il. Revenant sur les conditions de l'époque, Hakim Addad estime que le contexte n'a pas changé. «A l'époque, on nous tuait et aujourd'hui on nous met en prison. Mais, nous allons tenir», lance-t-il. «Lancer un message à la société civile» Pour Hakim Addad, la violence et la répression «font partie de la nature du régime en place». «Il faut lui répondre par le pacifisme», conseille-t-il, en rendant hommage à la nouvelle génération des «enragés» qui, selon lui, a concrétisé sur le terrain le projet et les objectifs de l'association. Il faut dire que depuis plusieurs années, le siège du RAJ à Alger-Centre est devenu un espace de libre débat sur tous les sujets d'actualité nationale. La nouvelle direction de l'association, conduite par Abdelouahab Fersaoui, a réussi à faire du siège de l'association la Mecque des militants et des acteurs politiques interdits des médias lourds publics. En effet, l'association organise des forums de débat et des conférences qui captent l'intérêt de différentes catégories de la société. Sa web radio aussi constitue une fenêtre à travers laquelle s'expriment les voix étouffées par les tenants du système. «Depuis le 22 février, le rôle de l'association s'est accentué. Partie prenante de l'initiative de la société civile, RAJ a accueilli plusieurs rencontres de la société civile. Le siège du RAJ est même devenu le centre du hirak. Le 22 Févier constitue le prolongement d'Octobre 1988 et notre association ne peut pas rester en marge de ce moment historique. Elle s'est alors impliquée entièrement en tentant de sensibiliser les jeunes, sans pour autant se considérer comme une représentante du mouvement», souligne Abdelouahab Fersaoui. Selon le président du RAJ, ces actions sont menées car «il ne peut y avoir d'alternative démocratique sans l'ouverture des espaces de débat et d'expression». C'est cet activisme, estime-t-il, qui lui attire les ennuis actuels. «A travers cette répression et ces intimidations, on veut faire taire RAJ et, par conséquent, envoyer des messages à l'ensemble de la société civile qui refuse la soumission», déclare-t-il, en dénonçant l'incarcération arbitraire de trois jeunes militants de l'association, dont Karim Boutata et Ahcene Kadi, poursuivis en vertu de l'article 79 pour «atteinte à l'intégrité du territoire national».