L'APC de Chemini, une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Béjaïa, et le Café littéraire de la même ville ont dû annuler, hier, la conférence-débat que devaient animer, en fin de journée dans la salle des réunions de la commune, des élus du parti français de Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise, sur les «modes de gouvernance dans le monde». Les animateurs, Mathilde Panot, une députée du parti et coprésidente du groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, ainsi que le député-suppléant et conseiller municipal de Val-de- Marne, Mourad Tagzout, originaire de Souk Oufella, voisine de Chemini, ont été interpellés la veille par la police et escortés jusque dans un hôtel à Alger. Ordre leur a été donné de quitter Béjaïa. La délégation française était composée de deux autres représentants du parti français, un Franco-Tunisien et une femme membre du secrétariat de Mélenchon. Attendus à Chemini en début de l'après-midi, en partance d'Alger, les élus français ont préféré rejoindre directement la marche de la communauté universitaire qui avait mobilisé du monde dans les rues de Béjaïa. La police ne semblait pas être au courant de ce déplacement. Elle a été alertée par une vidéo mise en ligne, où les deux élus s'exprimaient sur le mouvement populaire. Des policiers sont intervenus à la fin de la marche et emmené les deux cadres de La France insoumise vers le commissariat central. C'est leur présence dans la manifestation qui a dérangé les autorités. Et peut-être aussi les déclarations de l'élue de La France insoumise. «Ce qui se passe aujourd'hui est extrêmement grave en termes d'exaction des droits humains. L'Union européenne et la France ne doivent pas rester silencieux. S'ils le restent, ils sont complices», déclarait-elle dans la vidéo publiée sur le site web lavantgarde-algerie. Pour elle, son voyage en Algérie est une «visite privée». Pour les autorités, ce n'en est pas une, malgré que la parlementaire française et ses accompagnateurs sont détenteurs de visas touristiques. La police a évoqué la loi qui oblige tout étranger à se déclarer comme tel pour être escorté dans ses déplacements par les services de sécurité. Après un interrogatoire de plus d'une heure, ils ont été libérés vers 15h. Selon la députée, la police l'«a immobilisée» avec la délégation qui l'accompagnait «sans motif». C'est ce qu'elle a écrit dans un communiqué de presse publié, à la mi-journée d'hier, sur son compte Facebook. La délégation a tourné dans la ville avant de prendre la destination de Chemini. Elle a été une nouvelle fois arrêtée au niveau du barrage fixe de la police, à Bir Slam, sortie sud de la ville de Béjaïa. «L'ordre est venu d'en haut», assure une indiscrétion. Les quatre Français ont été gardés à Bir Slam pendant trois heures. «Là encore sans motif», ajoute la députée française. C'est la rencontre programmée à Chemini qui dérange. Ordre est donné d'escorter la délégation vers Alger. Rejointe par le maire de Chemini, Madjid Ouddak, et l'élu APW, Reda Boudraa (RCD), la délégation a malgré tout fait un détour par la ville de Chemini, puis s'est arrêtée à Akbou avant de rouler vers Alger, suivie par cinq voitures de police. Son interpellation a fait réagir le président du parti, Jean-Luc Mélenchon, qui a saisi le consul de France à Alger. Mélenchon a écrit sur son compte Facebook que les représentants de son parti «sont placés en séjour surveillé à Alger sans connaître les intentions pour la suite de ceux qui les ont contraints à ce retour sous escorte». Le groupe parlementaire de La France insoumise «demande la garantie de leur sûreté et le respect de leur liberté de circuler». «Je ne suis pas venue en Algérie pour créer du trouble. Je rendais visite à des citoyens engagés pour la justice sociale et la démocratie. (…) Je réitère mon admiration pour l'action du peuple algérien et toute ma solidarité pour la magnifique lutte qu'il mène pour sa dignité», a conclu Mathilde Panot.