Une vague d'interpellations s'abat sur les manifestants de tout bord. Le tri se fait à l'intérieur des commissariats. Les interrogatoires, souvent longs et précis, sont menés pour trouver une piste souhaitée pour ficeler un dossier compromettant conduisant à la détention du mis en cause. Plus de 80 personnes sont d'ores et déjà placées sous mandat de dépôt dans différentes prisons du pays en attendant leur comparution devant les juges. Dans la foulée, de simples citoyens arborant l'emblème amazigh, toléré depuis le début de la manifestation, sont subitement arrêtés et placés en détention préventive. D'autres ont subi le même sort pour avoir exprimé en public leur propre opinion concernant la crise que traverse le pays ou avoir émis des solutions de sortie diamétralement opposées à celles définies par les tenants du pouvoir. Malheureusement encore, la frénésie des arrestations ne fait pas de distinction, au point de tomber dans le ridicule. L'exemple nous vient d'Oran, où un jeune manifestant a été arrêté puis présenté devant le juge pour avoir porté un tricot officiel de son club de football préféré. La lucidité du juge ayant traité l'affaire a, fort heureusement, mis un terme à cette mascarade en ordonnant la libération du jeune en question. Ce qui s'apparente à des rafles en plein jour ne peut s'expliquer alors que par une stratégie bien élaborée, consistant à semer la peur dans les rangs des manifestants. Le hirak chamboule toutes les prévisions souhaitées en haut lieu par sa forte détermination et sa constance pacifique, au point qu'il devient prioritaire de l'annihiler par tous les moyens possibles. Même la capitale est régulièrement déconnectée du reste du pays chaque vendredi qui fait le grand jour de ce mouvement populaire. Loin d'égratigner la volonté des manifestants, les arrestations tous azimuts renforcent leur détermination à poursuivre leur idéal de changement pour un avenir prospère, comme elles les éloignent, chaque jour davantage, du schéma de sortie de crise balisé unilatéralement et soutenu contre vents et marées. Les tout récents chiffres officiels relatifs aux fichiers électoraux communiqués par l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), chapeautée par l'ex-ministre de la Justice, M. Charfi, confirment, à n'en plus douter, de la fermeté des décideurs à aller vers les élections dans les temps impartis, sans tenir compte des voix discordantes. Il reste à espérer, même sans grande conviction, que des décisions allant dans le sens de l'apaisement, attendu de tous, soient prises pour rallier plus d'électeurs à la prochaine présidentielle.