Lettre de la Journée internationale du théâtre a été rédigée cette année par Ariane Mnouchkine, metteur en scène prestigieuse du théâtre du Soleil à Paris. Le choix porté sur cette grande dame du théâtre mondial n'est pas fortuit. Le contenu de sa lettre dit en quelques mots, son amour mais aussi sa conviction pour l'art des tréteaux « Théâtre, viens à mon secours. » Cette lettre serait d'exquise justesse si au niveau de notre pays, nos responsables culturels et politiques s'intéressaient un peu plus au théâtre dans ses dimensions humaine et esthétique. S'ils accordaient plus de leur temps et de leurs moyens aux jeunes troupes qui de Touggourt à Miliana tentent de faire l'impossible pour éclore les pièces qui parlent de l'humain et de l'Algérie. Célébrer une date-anniversaire par le rappel de celle-ci ne suffit évidemment pas. Une journée mondiale du théâtre en Algérie, c'est se pencher de manière plus sérieuse sur ces dizaines de troupes indépendantes qui arrivent à monter dans des conditions parfois épouvantables des spectacles où ce sont les frémissements de l'Algérie qui bouge et qui se construit dans la douleur qui sont montrés. Faire une halte, c'est surtout une aide plus accrue aux organisateurs enthousiastes des festivals qui se déroulent dans nombre de nos villes grandes et petites, ces jours-ci (Constantine, Boumerdès Sidi Bel Abbès, Oran, Alger, Koléa et Mostaganem) pour dire toute la soif que portent les passionnés du quatrième art à leur sport favori : le théâtre. Une journée internationale du théâtre en Algérie, ce n'est pas uniquement le rappel de cette journée par des flashes de dix secondes sur les ondes et des brèves dans la presse écrite mais aussi la réactivation du fonds d'aide à la création comme cela se fait partout dans le monde, notamment dans le pays d'adoption d' Ariane Mnouchkine. La France qui subventionne jusqu'à 200 troupes pour la seule ville de Paris et sans distinction de chapelle politique ou de sensibilités culturelles. Dans ces aides à la création, celui qui se met à contribution dans l'acte de construire la citoyenneté ne reconnaît ni la gauche, ni la droite, ni le milieu. Il se place dans l'efficacité de créer le beau et d'intervenir dans la révolution de l'esthétique. Rôle affranchi Une journée internationale du théâtre en Algérie, c'est également assurer une diffusion conséquente des œuvres qui naissent et meurent aujourd'hui dans les théâtrès étatiques pour défaut de distribution, car les théâtres étatiques n'ont pas les moyens de distribuer leur œuvre. Le budget annuel alloué sous forme d'aides à la production à ses institutions n'est même pas suffisant à assurer les salaires des employés et parce que certains, à tous les nouveaux de l'autorité, estiment à tort ou à raison mais surtout à tort que les priorités sont ailleurs. Une célébration conforme à l'esprit qu'on veut donner à cet anniversaire-symbole, c'est impérativement faire passer ces pièces à la télévision comme le font nos voisins de Tunisie et du Maroc à travers bien sûr des accords préalables qui précisent cette relation. C'est aussi retravailler sur le répertoire national de nos hommes de théâtre-repères qui ne sont plus là et qui pour certains nous ont laissé des œuvres d'une grande valeur culturelle et historique. Intervenir sur leurs legs, c'est perpétuer la tradition, garantir la mémoire et participer à la naissance d'une culture de la paix qui ne nous place pas en éternel assisté de l'autre. Fêter la journée internationale chez nous, c'est faire éditer toutes les pièces de nos auteurs afin que le chercheur d'ici et d'ailleurs puisse trouver les traces de cet art par essence et à dimension universaliste. L'université peut et doit s'inscrire dans cette optique de revalorisation des œuvres de l'esprit et là également nous n'aurions rien inventé car dans des pays arabes (pour ne parler que de nos frères de langue) comme la Tunisie, l'Egypte, le Qatar, la Jordanie ou le Soudan (oui le Soudan) des équipes travaillent et éditent à longueur d'années des travaux sur théâtre aussi bien dans son versant local que dans celui international. Etre en phase avec l'esprit de cette journée consacrée année internationale depuis plus de quarante ans, c'est se mettre à l'écoute des jeunes auteurs metteurs en scènes et comédiens talentueux qui proposent des visions en phase intime avec l'Algérie d'aujourd'hui. Ils traduisent des œuvres du patrimoine universel sans complexe, créent des pièces à partir de leur vécu, jouent des comédies et se moquent de ceux qui n'ont que le ventre comme repère culturel.C'est également contredire ceux qui par ignorance parlent de crise de théâtre, alors qu'ils ne savent pas où se trouve le théâtre de leur ville et qui n'ont jamais daigné se déplacer pour assister à une représentation, imbus qu'ils sont de leur suffisance, car comme le dit toujours Ariane Mnouchkine dans sa lettre de ce 27 mars, « j'ai été recruté par la haine, fais donner toutes les forces à l'amour ». Elle interpelle bien sûr le théâtre. Nous interpellons nous ceux qui continuent de feindre que le théâtre n'est pas une priorité.