La campagne électorale, qui a débuté il y a deux jours, n'a pas été particulièrement entraînante. La raison est qu'il n'y a pas eu véritablement ces derniers mois de politique, mais des péripéties politiciennes qui n'ont pas réussi à établir un large assentiment sur les mesures prises à propos de la feuille de route imposée. De fait, on n'a ni fait progresser les idées et le dialogue, ni apaisé les tensions qui, au contraire, se sont exacerbées. Aussi, le spectacle donné par les prétendants à la magistrature suprême et leur distanciation par rapport à ceux qui sont censés les élire ne leur donnent pas de crédit pour dépassionner la relation. Le peuple, qui souffrait de marginalisation depuis des décades, n'entretenait pas, en réalité, des relations avec ses représentants factices. L'Etat était devenu l'instrument de ceux qui devaient en principe le servir. Il a donc perdu sa légitimité, entraînant une dépression collective due, en grande partie, à l'inconstance de l'autorité publique, responsable de la fracture des structures traditionnelles et du déchirement du tissu social. Le dogme de la justice sociale ayant volé en éclats et, avec lui, des pans entiers de ce qui faisait le ciment de la personnalité, fédérés autour de la morale, de la solidarité, de la générosité et du vivre-ensemble. Cela a entraîné, forcément, un déficit de confiance entre les gouvernants et les gouvernés. Aujourd'hui, que constate-t-on à travers le lancement de la campagne présidentielle qui n'est à nulle autre pareille. Des candidats, qui se gargarisent de promesses électoralistes, en faisant miroiter des milliers d'offres d'emploi aux jeunes. Certains de ces prétendants à la magistrature suprême effectuent des ziarate pathétiques dans une grande zaouïa du Sud, connue pour être un repère prisé du Président déchu. On ne sait si ce passage obligé est de se faire absoudre, d'obtenir une bénédiction ou de chasser le mauvais œil ! Dans tous les cas, ce n'est pas sans titiller les adeptes du courant «badissi»… La présidentialisation à outrance du régime, qui s'est faite omnipotente, a eu ses effets néfastes. Aussi, il ne faut pas que le lien social soit rompu, entraînant, à Dieu ne plaise, une division de la nation que personne ne souhaite. La politique du déni de la réalité, du travestissement, de la propagande et des masses qui manifestent pacifiquement depuis des mois, n'est pas de nature à ramener la sérénité dans les esprits. Le peuple a appelé à rompre avec un système qui l'a saigné, déclassé et dévalorisé. Ses résidus ne peuvent en être ses représentants, même si certains d'entre eux, pour faire bonne figure, tentent de surfer sur la vague de la Révolution du sourire ! Mais qui n'incarnent aucunement le changement souhaité… Quand bien même ils s'efforcent de proposer le contraire de ce qu'ils ont toujours fait…