Il entame son parcours via le cinéma au début des années 1980, après son retour des Etats-Unis où il a étudié, 4 ans durant, la composition et la direction d'orchestre. Son genre est « pluriel » et sa musique métisse. Safy Boutella, 55 ans, pas une ride, ne nous parlera pas de « son » élixir de jouvence, et bien qu'on ne saurait un jour le qualifier de loquace, il a bien voulu s'étaler sur sa vie de musicien pas comme les autres. Vingt-cinq années de passion pour la musique, c'est tout Safy Boutella. Un artiste complet, faut-il le dire, dont la production musicale est difficile à situer dans l'espace et le temps. Ta musique se veut universelle, « métissée », mais aussi très personnalisée. Le confirmez-vous ? Ma musique n'est pas un métissage dans le sens où on l'entend en Europe. Elle est un métissage culturel personnel et algérien. Je ne connais pas beaucoup d'Algériens qui ont la même culture musicale, chacun a subi une influence particulière par rapport au chaâbi, à la musique classique, andalouse, etc. Ayant étudié aux USA, je ne faisais à l'époque que du jazz. D'abord parce que je trouvais que c'était la musique de la liberté, c'est une musique qui vient d'Afrique, du Mali et ça nous appartient en quelque sorte : les rythmes et les mélodies existent en moi. Si je m'intéresse également à la musique des Touaregs ce n'est pas non plus un hasard ! Faut-il entendre par là, à considérer par ailleurs, le cachet particulier de votre musique que vous vous sentez profondément Africain ? Algérien ? Je me sens d'abord exclusivement Algérien, profondément Maghrébin et puis Africain et Arabe. Mais je suis Algérien avant tout, et si je me sens riche c'est parce que l'Algérie a été le carrefour de tellement de civilisations ! Dans trois mois environ, vous célébrerez « vos vingt-cinq années » de musique. Où aura lieu votre concert et en quoi consistera-t-il ? Il se tiendra à la Coupole. Au début, j'ai pensé le faire en plein air. Mais finalement ce qui m'a été proposé ne répondait pas en termes d'espace à ce que je veux. Comme « Safy Boutella en concert », c'est d'abord vingt-cinq ans de carrière, je vais tout faire, jouer des musiques de film, de raï. Je serai assisté par un groupe de 8 à 9 musiciens, plus un miniorchestre symphonique. Je jouerai et dirigerai donc cet orchestre et je veux que ce soit un beau plateau. Est-ce que vous ne prévoyez pas des tournées à travers les autres villes ? Ça c'est compliqué. Parce que moi, en fait, je ne demande qu'à faire des tournées. Mais il se pose un problème de structures. Et même si cela n'a rien à voir avec le spectacle de « La Source » il faut savoir qu'il s'agit quand même d'une trentaine de musiciens. Depuis votre concert-phare avec Khaled, on a tendance à associer Safy Boutella au raï ? Qu'en pensez-vous ? Je pense d'abord que Khaled fait sa vie ! Il est vrai que c'était une collaboration unique, très belle. C'est pour cela que c'est bien qu'elle n'ait pas duré. Beaucoup de personnes ont voulu savoir pourquoi nous n'avons pas fait un second album, etc. Mais personnellement, j'ai beaucoup d'autres choses à faire, je n'allais pas passer ma vie dans le raï, ni coller Khaled. Si vous deviez résumer votre carrière internationale en quelques phrases, que diriez-vous ? Je dirais d'abord que c'est beaucoup de musiques de films, puisque j'ai fait des films italiens, anglais, français, égyptiens, algériens, tunisiens, marocains... D'ailleurs, je viens de finir un film français dont j'ai fait la musique. Sinon, je fais aussi beaucoup d'arrangements pour bon nombre de chanteurs, en somme beaucoup de production outre-mer. Conclusion, vous n'arrêterez pas de travailler ? Malheureusement non. Je suis un très mauvais vacancier. J'ai d'autres techniques pour me détendre... Mais c'est la musique avant tout ? La musique et la cuisine. Moi, tu ne me sors pas d'une cuisine : ch'titha djedj, batata fliou... Je suis aussi un fada des informations, je ne rate aucune chaîne satellite d'information continue, j'aime aussi écrire et lire. Et le cinéma dans tout cela ? Vous avez déjà eu à jouer dans des films comme Majnoun... Le cinéma, à travers les musiques de films, c'est tout le temps. Mais en tant que comédien, je ne cours pas après. Je n'ai jamais couru après. Les quelques films que j'ai fais, et dont je ne suis pas très content d'ailleurs, se limitent à une simple participation de ma part. C'est un autre métier auquel il faut consacrer beaucoup de temps. Qu'en est-il de la chanson ? Dans mon prochain album, j'aimerais qu'il sorte un jour, d'ailleurs je chante beaucoup plus. En fait j'ai toujours chanté. A l'époque, à cause du jazz, j'aimais bien l'idée de faire parler la musique. Quand tu parles en musique tout le monde te comprend. En plus mon problème avec les chansons est un problème de langue : faut-il chanter en dialectal ou en arabe classique. Or, je ne me vois pas chanter en arabe classique. C'est pourquoi, dans mon prochain album, je recours à un mélange de sonorités que j'aime le plus et qui me plaisent. Vous êtes quand même, à considérer votre côté peu loquace et circonspect, un personnage, voire un artiste assez complexe, il faut le dire ... Assez complet... (?), complexe... divers... Je ne me trouve pas anormal. Je n'appartiens, en effet, à aucune famille, ni à celle du raï, ni à celle du charqi, ni à celle du Jazz. Pourtant j'ai touché à tout avec Nawel Zoghbi, Amel Wahbi, Djamel Allam... En fait, quand des personnes me contactent parce que ce que je fais leur plaît ou leur convient, je mets ce que je sais faire à leur service. Je ne dis pas que je suis un centre multiservice. Il y a dans tout ce que je fais ce que j'appelle ma touche personnelle. C'est mon côté perfectionniste que tu as évoqué tout à l'heure. Le disque Kutché avec Khaled, par exemple, je le trouve parfait, c'est aussi le cas pour Majnoun.