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Dr German Velasques. Directeur du département santé publique, innovation et propriété intellectuelle à l'OMS : « Les Etats doivent adopter des mesures strictes pour les brevets »
Comment peut-on promouvoir l'accès aux médicaments face aux pressions internationales imposées par la protection des brevets durant 20 ans ? Il y a aujourd'hui un sérieux problème au niveau international pour l'accès aux médicaments. 9 millions de personnes ont besoin actuellement de traitement contre le sida, alors que l'Oms a certifié que seulement 3 millions en bénéficient. L'OMS prévoit entre 15 à 18 millions de personnes qui auront besoin de ces traitements dans les prochaines années. Au rythme actuel, ces personnes vont mourir d'ici deux à trois ans. Le prix des médicaments constitue le principal obstacle engendré par le monopole de la protection pour une vingtaine d'années. Les industries pharmaceutiques placent le prix du médicament à un niveau élevé pour rentabiliser leur investissement. Il y a un problème structurel grave qu'il faut absolument résoudre. Les solutions existent, c'est aux Etats de définir des stratégies nationales afin d'accompagner leur industrie locale. Premièrement, il y a des solutions qui ne sont pas liées à la propriété intellectuelle, mais qui sont importantes. La sélection des médicaments essentiels est importante. Il faut commencer par là. Le système des brevets est, certes, un obstacle pour l'accès aux médicaments, mais les accords Adpic préconisent des mécanismes pour préserver et promouvoir l'accès aux médicaments. Les licences obligatoires permettent aux Etats d'accorder, pour des raisons de santé publique et dans le cas de situation d'urgence, à un tiers une licence l'autorisant à exploiter une invention sans le consentement du titulaire du brevet. L'importation parallèle est aussi une des solutions pour faire baisser les prix et avoir accès à ces médicaments brevetés. L'importation parallèle permet l'importation de produits brevetés équivalents, commercialisés à des prix plus bas dans d'autres pays. Il y a lieu aussi de promouvoir des critères de brevetabilité tenant compte des considérations de santé publique, prévoir des exceptions de l'accord sur les Adpic visant à permettre la concurrence par les médicaments génériques. Comment expliquez-vous l'augmentation des demandes de dépôt de brevets dans le monde alors que la découverte des molécules innovantes est en diminution ? Effectivement, il n'y a pas plus d'une trentaine de molécules innovantes alors qu'on assiste à une augmentation de demande de brevets qui ne portent pas en fait des nouveautés, rien que de simples variantes mineures. C'est une manière de bloquer davantage le médicament générique. Je pense qu'il faut mettre de l'ordre et plus de transparence dans le système des brevets. Les pays pourraient trouver des clauses d'exception et promouvoir des critères de brevetabilité tenant compte des considérations de santé publique. Des lois nationales peuvent fixer des critères stricts en se basant sur les trois critères classiques qui sont l'innovation, la nouveauté et l'application industrielle. Est-il possible d'introduire une exception afin de revoir à la baisse la durée de vie effective de ces brevets au lieu de la maintenir à 20 ans ? A mon avis, le débat doit porter sur l'action sanitaire plutôt que de marchander la durée des brevets. Le débat aujourd'hui porte justement sur l'introduction de cette exception sanitaire. D'ailleurs, certains pays ont adopté des lois strictes pour justement freiner l'augmentation du nombre de produits brevetés. C'est le cas de l'Inde qui a adopté en 2005 une loi stricte sur la propriété intellectuelle. Pensez-vous que les négociations dans le cadre de l'OMC sur l'accès aux médicaments aboutiront rapidement ? Dix ans après la déclaration de Doha sur les accords Adpic, peu de progrès ont été enregistrés. Les discours des pays industrialisés sont des discours froids. Ces négociations sont très difficiles pour les pays en développement parce que les pays industrialisés tentent de protéger les intérêts financiers, alors que les pays pauvres défendent le droit à la vie. Une alliance des pays en voie de développement pourrait constituer une force de négociations. Après dix ans de recul, l'Algérie doit tirer profit des expériences des pays qui ont négocié avec succès et qui ont adhéré à l'OMC tout en préservant leur industrie pharmaceutique nationale.