Le monopole d'exploitation conféré aux détenteurs des brevets pharmaceutiques est l'un des obstacles majeurs, au niveau international, pour l'accès aux médicaments. L'accord sur les droits de la propriétés intellectuelle liés au commerce (Adpic) imposé par l'OMC aux pays membres est, selon les experts, l'un des plus controversés en raison de ses conséquences (augmentation du prix du médicament breveté, la production du générique est quasiment impossible dans les pays en développement, manque d'investissement pour la recherche et le développement). Une étude réalisée en Algérie par l'UNOP depuis la mise en place de la réglementation dans notre pays sur les brevets, en prévision de l'adhésion à l'OMC en 2003, a montré que, durant ces années, peu de produits ont été fabriqués localement. La première contrainte était la présentation d'un document de l'Institut national algérien de la propriété industrielle (Inapi) prouvant que le médicament n'est pas breveté pour pouvoir l'enregistrer. Le nombre de produits fabriqués de 1996 à 2004 est insignifiant. Seulement 150 DCI ont été fabriqués par une trentaine de fabricants. « Ces produits ne sont pas à très forte valeur ajoutée », a souligné M. Aït Saïd, le vice-président de l'UNOP. Pour lui, le ministère de la Santé s'est substitué durant toute cette période aux tribunaux qui, légalement, sont les seuls habilités à trancher les litiges en matière de brevets. Après la levée de cette contrainte en 2005, l'étude a révélé qu'en 2004 et 2007, 272 DCI ont été fabriquées, soit le double de ce qui a été produit durant la première période. Le docteur Aït Saïd a souligné que sur les 20 molécules les plus chères commercialisées en Algérie, en excluant les insulines, les médicaments anticancers, les molécules biotechnologiques, le chiffre d'affaires a atteint, entre 2003 et 2009, 20 milliards de dinars. Par contre, sur 4 molécules anticancéreuses admises en générique en milieu hospitalier nous économiserons 2 milliards de dinars par an. « Dans le domaine des produits pharmaceutiques, la nécessité d'un équilibre entre les droits reconnus des inventeurs et les intérêts légitimes de l'économie nationale commande une vigilance tout à fait particulière. Si la protection des premiers est souvent le fait des grandes sociétés internationales puissantes, la défense des seconds requiert, en revanche, de gros efforts de coordination entre des acteurs nombreux, souvent mal informés, faiblement organisés et maîtrisant très peu les arcanes d'un droit économique complexe », a ajouté le président de l'UNOP. Depuis la mise en application de ces accords, plusieurs pays se retrouvent contraints d'aller à l'encontre de leur développement économique et social, a estimé German Velasquez au séminaire international sur le droit des brevets et ses implications sur le développement de l'industrie pharmaceutique organisé par l'UNOP. Mais il signale que ces accords comportent des flexibilités que les Etats peuvent exploiter et adopter une législation nationale. Cette flexibilité, a-t-il expliqué, peut être utilisée pour adopter des mesures favorables à la concurrence, en l'occurrence les importations parallèles, les obligations de licences et la vérification des conditions de brevetabilité. Ce qui permettra de faire diminuer le nombre d'enregistrements de brevets. « Il faut placer la barre plus haut en termes d'enregistrement de demande de brevet. Rien n'oblige l'Algérie à accorder des brevets s'il n'y a pas vraiment de l'innovation », a déclaré le Pr Michel Vivant, professeur agrégé en sciences politiques à Paris. D'autant que les experts ont indiqué qu'il y a une augmentation de dépôt de brevets qui ne portent aucune innovation réelle et ne sont fondées que sur le recours à des artifices techniques ayant pour but de prolonger la durée effective de protection d'un princeps pharmaceutique, bloquant la mise sur le marché des médicaments génériques au coût plus accessible. « Le contrôle et la vérification de la nouveauté, l'inventivité et l'application industrielle ne sont pas réellement effectués dans notre pays, comme du reste dans de très nombreux pays en développement. L'Inapi ne dispose pas des moyens humains et matériels qui lui permettraient d'effectuer les examens et analyses préalables des brevets qu'elle accepte en dépôt », a ajouté M. Ziad.