La Grèce a annoncé, hier, l'expulsion de l'ambassadeur libyen à Athènes. Cette décision est motivée par le fait que Tripoli n'a pas révélé, comme le gouvernement grec l'a exigé, le contenu d'un accord controversé avec la Turquie de délimitation maritime, signé la semaine dernière. «L'ambassadeur libyen a été convoqué au ministère ce matin et a été informé de son expulsion», a déclaré «avec regret» aux médias le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, cité par des médias. Un délai de 72 heures lui a été donné pour quitter la Grèce, a-t-il précisé, ajoutant que «son expulsion ne signifiait pas l'interruption des relations diplomatiques avec la Libye». L'accord a été signé le 27 novembre à Istanbul par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et Fayez Al Sarraj, chef du gouvernement libyen d'union nationale (GNA), reconnu par les Nations unies. Athènes «condamne vivement cet accord» qui «tente de délimiter des zones maritimes entre la Turquie et la Libye, ce qui constitue une violation du droit maritime international et des droits souverains de la Grèce et d'autres pays», a fustigé Nikos Dendias. «Il n'y a pas de frontière entre la Turquie et la Libye», a expliqué le porte-parole du ministère, Alexandros Gennimatas, soulignant qu'on ne pouvait fonder le droit «sur l'illégalité». A l'occasion d'un débat au Parlement, le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a indiqué que cet accord «supprime de la carte certaines îles grecques» et «a déjà entraîné l'isolement diplomatique de la Turquie». L'accord a été «dénoncé par les Etats-Unis, l'Union européenne, l'Egypte et Israël», a-t-il ajouté, soulignant que la question sera abordée lors du sommet européen, la semaine prochaine à Bruxelles. De son côté, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déploré l'expulsion de l'ambassadeur libyen, la qualifiant «d'erreur». Cette expulsion «ne convient pas à la courtoisie diplomatique. Est-il juste de menacer un pays ?» a-t-il déclaré depuis Rome à une télévision turque. Qualifié de mémorandum par Tripoli, cet accord a suscité de vives réactions de pays riverains de la Méditerranée. Outre la Grèce, Chypre et l'Egypte ont déploré sa signature. La découverte de réserves de gaz et de pétrole au large de Chypre, dans le sud-est de la Méditerranée, a déclenché ces dernières années une dispute entre Nicosie, appuyée par la Grèce et l'Union européenne, et Ankara, qui occupe la partie nord de l'île. Selon la presse turque, une fois l'accord ratifié par le Parlement turc, Ankara communiquera aux Nations unies (ONU) les coordonnées de sa nouvelle «zone économique exclusive (ZEE)» en Méditerranée orientale. Mais le Premier ministre grec a estimé qu'en raison de la situation compliquée en Libye, cet accord n'avait pas de valeur juridique car il ne pourrait pas être signé par l'actuel gouvernement à Tripoli. «Cet accord va s'effondrer dès sa naissance», a-t-il indiqué. Mercredi prochain, Aguila Salah Issa, président contesté du Parlement libyen qui s'est déclaré «contre cet accord», selon Athènes, effectuera une visite dans la capitale grecque. Porte d'entrée de milliers de demandeurs d'asile, la Grèce, membre de l'Otan comme la Turquie, maintient des relations délicates avec sa voisine. L'un des principaux différends bilatéraux est la délimitation du plateau continental des îles grecques en mer Egée, qui sépare la Grèce de la Turquie.