A la veille de la conférence nationale, les responsables de la magistrature à Annaba ont convié les représentants de la presse pour leur donner lecture des propositions qu'ils comptent avancer dans le cadre de la réforme de la justice. Qu'il s'agisse de l'indépendance des magistrats, des droits de la défense, de la présomption d'innocence, des liberté provisoire, semi-liberté et liberté conditionnelle, des atteintes aux libertés individuelles, aux personnes et aux biens ou des préjudices liés au quotidien des citoyens, du blanchiment et bien d'autres aspects, le document présenté par le président de la cour, le procureur général et plusieurs magistrats se voulait complet. Y ont été également abordés les moyens humains, matériels et financiers, la formation des magistrats en Algérie et à l'étranger, la composante du Conseil supérieur de la magistrature, le suivi de carrières des magistrats, les relations avec les institutions et organisations locales, nationales et internationales, les commissions rogatoires. C'est dire que riches des expériences qu'ils ont vécues et des dysfonctionnements relevés ayant de tout temps prévalu dans leur secteur, les magistrats de Annaba semblent avoir choisi le grain à moudre lors de la plénière d'Alger. A travers ces aspects, les concepteurs du document de Annaba ont convenu que la société algérienne se « juridise » et se « judiciarise » et que, face à cette nouvelle donne, les pouvoirs publics tentent de restaurer l'image de la justice algérienne. Telles qu'avancées dans les grandes lignes par leurs initiateurs, les propositions impliquent l'évidence du besoin d'une véritable réforme de fond. Dans leur approche en quatre points, les magistrats de Annaba, sans le vouloir peut-être, ont occulté le fait que les précédentes années l'Etat a failli à son devoir de protection juridictionnel de l'individu. « Dans leur approche, les magistrats de Annaba ont omis d'aborder un aspect essentiel de la justice. Certes, c'est une nouveauté qui n'est pas encore applicable dans tous les pays. Y compris en France source d'inspiration du droit algérien. Cette nouveauté consiste à prévoir le droit du justiciable à entamer des poursuites à l'encontre de tout juge qu'il estime être responsable d'une erreur judiciaire à l'origine de sa mise au ban de la société », a souligné un juriste sous le sceau de l'anonymat. Humanisation des centres de détention, de rééducation et de réinsertion par l'amélioration des conditions d'incarcération et du régime pénitencier, allègement des isolements au profit des condamnés à mort, informatisation de l'ensemble des services de l'institution, création d'un site Internet, intranet et d'un tableau de bord analytique national, d'une cellule de coordination pour le suivi des affaires sont d'autres aspects largement abordés dans la démarche des magistrats de Annaba. Dans leur approche, les magistrats avaient tenu à souligner la récente élection de leur bureau représentatif à la Cour suprême de la magistrature. Ils n'ont pas pris en compte le fait que les citoyens persistent à considérer leur justice d'un œil de plus en plus critique comme en témoignent les différentes et récentes affaires traitées ou en voie de l'être. « Je dois citer à ce titre cette liberté de la presse chèrement acquise que l'on veut mettre sous l'éteignoir parce qu'elle gêne énormément. Dans cette réforme, l'on n'a pas abordé le domaine du comportement, de la négligence, de la manifestation de ses opinions du magistrat au contact du justiciable. C'est-à-dire l'éthique du magistrat dont dépend le sort du justiciable, non pas lors des audiences publiques mais au cours du face-à-face sans témoins comme à l'instruction. L'on dira qu'il est prévu l'assistance d'un avocat le plus souvent absent ou n'aimant pas, d'une manière générale, se mettre mal avec le juge », a estimé un des avocats de Annaba, questionné sur la réforme en question.