Après Marseille en 2006, Antalya en 2008, Alger accueille depuis hier le colloque des notariats méditerranéens. Ainsi, 500 participants dont une centaine de notaires venus des pays du Maghreb, d'Italie, d'Espagne, de France, de Grèce, de Turquie et de Syrie, prennent part aux travaux du colloque qui se tient à l'hôtel El Aurassi sous le thème « La contribution du notariat méditerranéen dans la promotion et la sécurisation de l'activité immobilière ». Convalescent depuis plusieurs semaines, Tayeb Belaïz, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, en a profité pour refaire surface. Il a donné le coup d'envoi des travaux, prononçant un speech dans lequel il loue devant ses invités de l'Union internationale des notaires, entre autres, les vertus et les succès de « la réforme de la justice ». Si le notariat en Algérie a atteint un tel niveau de développement, explique-t-il, c'est avant tout le « fruit des réformes engagées ces dix dernières années ». A propos des missions du notaire, M. Belaïz a invité les participants à réfléchir aux voies et moyens à mettre en œuvre pour « renforcer la crédibilité » de la profession, à privilégier la médiation dans le règlement des litiges et à l'institution de garanties nouvelles pour prémunir les ayants droit des fautes professionnelles dont le notaire pourrait se rendre responsable lors de la rédaction d'un acte, et surtout à contribuer à la protection des biens publics et privés de l'Etat. Les premiers intervenants au colloque – Me Jacques Devagues (président de la Commission des affaires européennes de l'Union internationale du notariat) et Raphael Gomez Ferrer Sapina (vice-président de l'Union internationale du notariat) – ont tressé des lauriers au fringant ministre, complimentant les succès de « sa réforme du système judiciaire ». L'un se dit « ébloui » par les résultats obtenus, l'autre encense la corporation des notaires algériens, très « organisée, structurée ». Il n'en fallait pas davantage pour transporter aux anges l'homme fort de la Chambre nationale des notaires (CNN) – organisatrice de ce 3e colloque, en collaboration avec l'Union internationale des notaires – , maître Achite Henni Abdelhamid a mis un point d'honneur à rappeler les nombreux acquis et les sauts qualitatifs faits par le notariat algérien sur le plan de la formation et surtout du point de vue de l'évolution du statut juridique du notaire : « Très avancée, la loi 06-02 du 20 février 2006 portant organisation de la profession de notaire rivalise en modernité avec les cadres juridiques les plus développés du monde. » De 144 notaires au début des années 1990 à 1838 aujourd'hui, les bonds quantitatifs « méritent », d'après Me Achite, d'être relevés. Doté d'un statut hybride, le notaire oscille entre la profession libérale et la Fonction publique. Fonctionnaire du ministère de la Justice au lendemain de l'Indépendance avant de recouvrer en 1988 leur statut de profession libérale (loi n° 88-27 du 12 juillet 1988 portant organisation du notariat), les professionnels du notariat sont revenus dans le giron de l'Etat. « Le notaire est un officier public, mandaté par l'autorité publique, chargé d'instrumenter les actes pour lesquels la loi prescrit la forme authentique et auxquels les parties veulent donner cette forme » (article 3 de la loi de 2006 portant organisation de la profession de notaire). Les notaires sont nommés par arrêté ministériel et les offices notariaux placés sous l'autorité du ministère de la Justice. L'article 9 illustre parfaitement le statut hybride de la fonction : « Un office notarial est confié à tout notaire qui en assume la gestion pour son propre compte et sous sa responsabilité. L'office notarial peut être géré sous forme de société civile professionnelle ou de bureaux groupés. » Quid de la « démocratisation » de l'accès à de cette profession qui demeure jusqu'à aujourd'hui l'apanage d'une petite élite, un club fermé, inaccessible aux universitaires issus du « petit peuple » ? « Non ! On ne démocratise pas le notariat… tout comme la médecine ne peut pas être démocratisée », répond le président de la CNN. Les conditions d'accès à la profession ont fait l'objet d'un texte de loi. Les concours sont organisés par le ministère de la Justice, les portes sont donc ouvertes à ceux et à celles qui satisfont aux conditions fixés par la loi. Elitiste, très rémunératrice, la profession de notaire a-t-elle vraiment cessé d'être la chasse gardée des nantis ?!