Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a décidé de passer à l'offensive. Constatant « des abus flagrants » dans le domaine de la participation des universitaires et chercheurs algériens à des colloques à l'étranger, le ministère a rappelé sévèrement à l'ordre tous les chefs d'établissement de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Des instructions leur ont été données pour soumettre à une série de critères les enseignants ou chercheurs invités à prendre part à une activité scientifique à l'étranger. Le ministère conteste les conditions dans lesquelles se déroule la participation de nos chercheurs à certains colloques. Dans une note interne datée du 18 mai et adressée à tous les établissements, le secrétariat général du ministère reproche aux universitaires leur liberté d'initiative ou du moins les excès qui auraient été constatés dans l'exercice de cette liberté. « La liberté d'initiative ne saurait être tolérée lorsque les intérêts ou la politique étrangère du pays sont concernés », explique la note. Selon nos sources, cette note vient mettre de l'ordre dans le chapitre portant sur les relations avec les partenaires étrangers. « Il y a eu un antécédent grave d'où le recours à ces nouvelles dispositions. Récemment, des universitaires ont participé à un colloque autour du dossier du Sahara occidental au Maroc. Nos universitaires ont tenu un discours en contradiction avec les positions de l'Etat algérien. Ce qui a irrité le ministère », a soutenu une source proche du ministère. Autre justificatif relevé est que « le Maroc a décidé d'organiser un colloque sur les juifs marocains et seuls les universitaires algériens ont répondu à cette invitation ». Le ministère contre les colloques en été Notre source nous informe également qu'ils sont nombreux les chercheurs qui partent pour faire du tourisme scientifique. « Aucun laboratoire sérieux n'organise des colloques en plein mois d'août, les pays qui organisent des forums durant l'été ne font pas de la recherche scientifique, mais plutôt du tourisme scientifique », a soutenu notre source. Fait que confirme Malik Rahmani, porte-parole du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES). Ce syndicaliste note que les Tunisiens et Libanais trouvent en l'Algérie un créneau juteux en la matière. « Ils organisent des colloques et invitent en grande pompe les universitaires et chercheurs algériens pour uniquement ramasser de l'argent. L'objectif n'est nullement la recherche scientifique », fera-t-il remarquer. Dorénavant, la participation de nos enseignants à des conférences ou colloques organisés à l'étranger, pouvant représenter un caractère sensible pour la politique étrangère du pays ou pour les intérêts nationaux, est subordonnée à l'accord préalable du ministère. Ce dernier se prononcera sur l'opportunité de la participation lorsque lesdits événements revêtent une sensibilité évidente. Il est utile de se demander toutefois comment le MESR jugera des sujets « touchant aux intérêts de l'Etat ? » Quatre autre points essentiels ont été mis en exergue dans la note du ministère. Il demande à tous les établissements universitaires l'élaboration en toute transparence d'un planning des formations à l'étranger. Le ministère somme les directeurs des établissements d'interdire aux enseignants de ne pas participer aux colloques ou forums organisés à l'étranger pendant l'été, d'autant plus que les laboratoires sont fermés durant cette période. Le troisième point concerne la lettre d'accueil. Ce document doit être impérativement signé par le directeur de l'université qui organise le colloque ou le chef d'un laboratoire portant son label. Enfin, la lettre d'accueil doit être personnalisée (le nom de l'enseignent doit figurer sur la lettre d'accueil). Si le syndicat adhère pleinement à l'initiative du ministère, il déplore toutefois son exclusion. « Nous avons demandé au ministre de tutelle de mettre de l'ordre dans la gestion des missions à l'étranger. Nous avons souhaité que le ministère ouvre le débat sur ce dossier avec le partenaire social. Il devait se concerter avec nous avant de prendre une telle décision qui concerne en premier lieu les enseignants. » Ce dernier avait auparavant proposé l'affichage en toute transparence de la liste des bénéficiaires des missions à l'étranger et leur destination.