Tout l'Irak, aussi bien sa population que ses institutions, vit au rythme de la violence. C'est ainsi que sont marqués les principaux évènements comme celui d'hier au cœur même du système qui se met en place. En effet, deux obus de mortier sont tombés, hier matin, à Baghdad, dans les environs du bâtiment où l'Assemblée nationale tenait sa deuxième réunion depuis les élections du 30 janvier dernier. Aucun détail n'était disponible dans l'immédiat sur l'endroit précis où sont tombés les deux obus. La réunion de l'Assemblée se tenait dans la Zone verte, une vaste étendue gardée par les forces américaines au cœur de Baghdad, et qui abrite notamment le gouvernement provisoire irakien et les ambassades américaine et britannique. Et c'est ainsi qu'a été marquée cette rencontre que ses organisateurs avaient du mal à tenir dans les normes voulues. Et le retard de deux heures est une conséquence de la lutte au sommet, ou encore pour le pouvoir, que se livrent les deux grands vainqueurs de l'élection du 30 janvier dernier. Et comme prévu, chiites et Kurdes aux objectifs diamétralement opposés, sauf quand ils étaient dans l'opposition à l'ancien régime, ne se font aucun cadeau. Et c'est un euphémisme de dire que le retard est dû à des désaccords de dernière minute sur le choix du président du Parlement irakien. Cette nouvelle crise a, en effet, éclaté avant la réunion du Parlement irakien prévue de longue date, sur le choix de son président et les députés tentaient de convaincre le chef de l'Etat sortant Ghazi Al Yaouar d'accepter ce poste réservé aux sunnites, a indiqué un responsable chiite. « Il y a maintenant une crise, et on tente de convaincre cheikh Ghazi Al Yaouar de devenir président de l'Assemblée nationale provisoire », a déclaré un député de l'Alliance unifiée irakienne (AUI), la liste soutenue par le clergé chiite, Abbas Al Bayati. M. Yaouar avait annoncé officiellement lundi qu'il refusait ce poste. Cette situation, somme toute prévisible au regard de l'âpreté des négociations qui avaient tourné au marchandage, a amené les quatre principaux groupes de l'Assemblée nationale irakienne à demander le report de la désignation du président du Parlement. C'est ce qu'a affirmé le doyen de l'Assemblée, cheikh Dhari Al Fayyad qui a présidé cette séance quelque peu houleuse. « Les quatre principales listes ont demandé un report du vote (du président de l'Assemblée nationale) pour permettre aux sunnites de terminer leurs discussions et de choisir leur candidat », a-t-il déclaré. Des négociations de dernière minute sur le choix du président du Parlement irakien ont eu lieu peu avant l'ouverture de la séance. Premier groupe parlementaire avec 146 des 275 sièges du Parlement, l'Alliance unifiée irakienne (AUI), soutenue par le clergé chiite, présente la candidature d'un chef tribal, Fawaz Al Jarba, 49 ans, élu sur sa liste. Cousin du chef de l'Etat sortant Ghazi Al Yaouar, il appartient à la puissante tribu des Chammari. En revanche, le candidat de la liste kurde, avec ses 77 sièges, Hajemal Hassani, a indiqué qu'il « n'était pas candidat ». Ministre de l'Industrie sortant et ancien porte-parole du Parti islamique, proche des Frères musulmans, M. Al Hassani a estimé qu'il « pouvait être plus utile à un autre poste ». Au-delà de la direction de l'assemblée, il reste aux négociateurs des listes chiite et kurde, grands vainqueurs des élections, à s'entendre pour la distribution des portefeuilles du prochain gouvernement. Ce qui confirme au moins le fait que le président de ce nouveau parlement provisoire sera un sunnite. Mais visiblement, le poste sera honorifique, puisque les deux grands groupes politiques vainqueurs de ces élections disposent à eux deux d'une confortable majorité qui leur permet de porter noir sur blanc l'avenir institutionnel et politique de l'Irak. C'est-à-dire rédiger la future Constitution de l'Irak, dont le contenu a été préalablement négocié par eux.