Les élections législatives irakiennes, qualifiées de cruciales, se sont déroulées dans le calme et ont bénéficié d'une participation record de l'électorat irakien. Quelque onze millions d'Irakiens, sur 15,5 millions d'inscrits, ont pris part jeudi aux élections législatives qui devaient doter l'Irak du premier Parlement officiel post-Saddam Hussein, compte tenu du fait que l'Assemblée sortante était transitoire et avait à préparer les instruments juridiques et législatifs des nouvelles institutions irakiennes. Aussi, le vote de jeudi a-t-il parachevé un processus entamé en janvier dernier. Le premier fait relevé par les observateurs est que les Irakiens, toutes communautés confondues, ont voté en masse jeudi pour élire leurs députés dans un scrutin considéré historique et marqué par un calme relatif sur l'ensemble du pays et qui a vu une forte compétition entre les candidats. Toutefois, les résultats ne seront pas disponibles avant quinze jours, affirme la commission électorale, qui a annoncé, par ailleurs, le début des opérations de dépouillement des votes. La commission électorale a d'autre part confirmé que le scrutin de jeudi a connu «une participation très large» des électeurs, indiquant «La participation est très large, dans toutes les régions, même à Falloujah, Salaheddine et Ninive (régions où l'activité rebelle est la plus intense)», a souligné un haut responsable de la commission électorale, Hussein Al-Hindaoui. Un autre responsable de la commission, Faid Ayar a ainsi précisé peu après devant la presse que «le dépouillement a commencé dès ce soir (jeudi) et les résultats seront envoyés au siège national de la Commission à Baghdad pour être comptabilisés». M.Ayar a toutefois mis en garde contre toute publication de résultats non officiels, réitérant ce qu'il avait déjà déclaré dans la matinée de jeudi quant aux résultats de la consultation électorale. «L'annonce des résultats prendra deux semaines, sinon plus et elle sera faite au début de l'année prochaine», a-t-il dit. Contrairement au vote du 30 janvier largement boycotté par les sunnites, le scrutin du 15 décembre a en revanche été très largement suivi, chiites, Kurdes et, singulièrement, les sunnites ayant massivement participé au vote. Un vote certes unanime, mais avec des intentions à tout le moins différentes, chaque communauté tentant de se renforcer dans un Irak qui aura indubitablement une configuration et des aspirations nouvelles. Dans ce nouvel Irak, qui se construit au coup par coup, les principales communautés le composant cherchent à renforcer leurs positions déjà acquises pour les uns, à reprendre une place dans l'échiquier politique pour ceux qui, pour une raison ou une autre, en ont été exclus. Ainsi, les chiites veulent renforcer leur pouvoir et leur position en tant que force dominante dans le pays, les Kurdes conforter leur autonomie, en la rendant irréversible, les sunnites, enfin -jusqu'alors marginalisés- veulent retrouver une place qu'ils n'auraient jamais dû marchander. De fait, l'après-Saddam Hussein est aujourd'hui une donne incontournable du nouvel Irak et les politiques, notamment ceux de la communauté sunnite, l'ont maintenant intégré dans leurs approches de la construction des nouvelles institutions devant donner jour à un Irak démocratique. L'autre fait à relever dans le scrutin de jeudi est que celui-ci s'est tenu dans des conditions sécuritaires -compte tenu de la situation d'ensemble- proches de l'excellence. Ainsi, le ministre de l'Intérieur, le chiite Bayane Baqer Soulagh, a affirmé jeudi dans une conférence de presse à Baghdad que «la situation sécuritaire dans la plupart des provinces est bonne pour ne pas dire excellente» qui a ajouté: «J'espère que cela sera ainsi jusqu'à la fin de la consultation.» Il a indiqué par ailleurs que des hommes avaient été arrêtés alors qu'ils tiraient des obus de mortier à partir d'un verger à Baghdad. Renchérissant sur son collègue de l'Intérieur, le ministre de la Défense, le sunnite Saadoun Al-Doulaïmi à dit de son côté que «la situation sécuritaire est très bonne dans l'ensemble de l'Irak». Les deux ministres ont fait ces déclarations après avoir inspecté l'imposant dispositif sécuritaire mis en place dans la perspective d'un vote sécurisé. Notons toutefois que des attentats ont quand même eu lieu à Baghdad et à Tall Afar (à l'ouest de Mossoul) et ont coûté la vie à deux gardes de bureaux de vote et ont fait d'autre part dix blessés dont deux policiers et un soldat américain. Dans une première réaction, la Maison-Blanche a estimé jeudi que cette journée a été «historique» en Irak, se félicitant de la forte participation aux législatives et du peu de violence enregistrée, deux faits qui confortent la stratégie élaborée par l'administration Bush pour l'Irak. Après ce test législatif en Irak, le président Bush a ainsi indiqué qu'«il s'agit d'un pas en avant capital (vers les objectifs américains pour l'Irak) », après avoir reçu des électeurs irakiens de l'étranger: l'instauration d'un «Irak démocratique, un pays capable de s'autogérer et de s'autodéfendre, un pays qui sera un allié dans la guerre contre le terrorisme, qui a donné un exemple fort à d'autres pays dans la région (...) par exemple l'Iran ou la Syrie». «Il s'agit d'un jour historique pour le peuple irakien, le Proche-Orient et le monde, un jour historique pour les progrès de la liberté», a déclaré, pour sa part à la presse le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan. Notons cependant, le mutisme observé hier par les pays voisins de l'Irak qui n'ont ni réagi, ni commenté le scrutin de jeudi en Irak.