Jacques Toubon, président de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration et qui n'est plus ministre, a été reçu, hier à Alger, par Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères. Jacques Toubon a donc eu plus de chance qu'Eric Besson, ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, qui attend depuis plus d'une année d'être écouté par les hauts responsables algériens. Alger ne veut pas encore fixer de date à la visite de ce ministre critiqué à gauche comme à droite dans son pays. Mourad Medelci a qualifié Jacques Toubon « d'ami de l'Algérie ». « Nos entretiens ont porté sur la communauté algérienne en France et le rôle qu'elle peut jouer de façon plus large dans le développement des relations entre les deux pays. C'est le début d'un nouveau processus. Je souhaite que ce processus permette de nous rapprocher de notre communauté et lui permettre de jouer un rôle plus important chez nous », a déclaré le chef de la diplomatie algérienne cité par l'agence officielle APS. Le mot est lancé : « Nouveau processus ». Il est de notoriété publique que les négociations entre Alger et Paris sur la révision de l'Accord de décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles sont au point mort. Après plusieurs tentatives de relance, les discussions menées par les experts des ministères des Affaires étrangères des deux pays n'évoluent toujours pas. Renégocier un nouvel accord Du moins, pas au rythme voulu par Paris. Jacques Toubon a, dans un entretien accordé avant-hier à Liberté, fait montre d'un enthousiasme étonnant. « L'on poursuit activement la négociation d'un nouvel accord sur l'immigration qui prendrait la place de l'Accord franco-algérien de 1968 », a-t-il dit. « Le nouveau processus » évoqué par Medelci souligne-t-il une reprise des négociations ? Possible, mais pas sûr. Paris veut une abrogation pure et simple de ce texte. La finalité est de discuter un nouvel accord selon le principe de la réciprocité. La France estime que « l'esprit » de 1968, six ans après l'indépendance de l'Algérie, est dépassé aujourd'hui. Aussi, une demande est-elle faite pour que les ressortissants français, qui souhaitent s'installer ou travailler en Algérie, soient traités de la même manière que les ressortissants algériens. Par extension, la France œuvre pour que l'Algérie reconnaisse la double nationalité et pour que des facilités soient accordées aux Français en matière de propriété. Des conditions qu'Alger ne semble pas accepter pour l'heure. Paris, qui tient à sa relation avec Alger, refuse de passer l'Algérie dans le droit commun des étrangers. Dénoncer l'Accord de 1968, qui a déjà été révisé à trois reprises depuis 1985, suffit à Paris pour traiter les ressortissants algériens comme les autres étrangers. Une menace toujours présente même si la tendance est à la reprise des négociations. Les autorités françaises souhaitent que l'Algérie revoit à la baisse les « dures conditionnalités » qui sont liées à l'octroi des visas aux hommes d'affaires, chefs d'entreprise et journalistes français. Ce n'est donc pas par hasard que Jacques Toubon, avec soin et délicatesse, a évoqué le rôle « important » que peuvent jouer les chefs d'entreprise algériens binationaux établis en France dans le développement des relations économiques entre les deux pays. « Dans notre pays, il existe une classe moyenne de la communauté algérienne, en particulier des chefs d'entreprise, capables de créer un véritable réseau et c'est quelque chose que nous devons faire », a-t-il noté. Autrement dit, ce qui est fait à Paris peut être fait à Alger. Jacques Toubon, qui, après tout, gère un musée de l'immigration sans importance stratégique, a usé d'un langage politique plus clair que celui des deux conseillers du président français, Claude Guéant et Jean-David Levitt, qui étaient à Alger dimanche dernier. L'audience accordée par le président Abdelaziz Bouteflika aux deux envoyés spéciaux de Nicolas Sarkozy signifie-t-elle le début d'une nouvelle ère dans les relations entre la France et l'Algérie ? « Nous avons fait le point sur cette visite et constaté combien elle avait été positive », a affirmé Jacques Toubon, sans autre précision sur le caractère positif de la visite des deux conseillers de l'Elysée, la deuxième en cinq mois. Il reste que Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, qui devait se déplacer à Alger en mars dernier, n'est pas venu. Sa demande de visite n'a pas eu d'écho à Alger. Il y a donc cette question inévitable : Claude Guéant, Jean-David Levitt et Jacques Toubon ont-ils fait le travail de Bernard Kouchner à Alger ? L'évolution des rapports politiques dans les prochaines semaines permettra d'avoir une idée plus précise.