Face à la multiplication des attaques visant leurs intérêts en Irak, les Etats-Unis ont récemment promis une réponse «ferme». Les raids relancent encore une fois le débat sur la présence de 5200 soldats américains sur le sol irakien. Avec ces attaques, l'Amérique a montré son ferme soutien au terrorisme et son dédain pour l'indépendance et la souveraineté des pays, et elle doit assumer les conséquences de son acte illégal.» C'est ce qu'a déclaré hier le porte-parole des Affaires étrangères iranien, Abbas Moussavi, cité par des médias. Au moins 25 combattants irakiens ont été tués à la frontière irako-syrienne dans des raids américains de représailles, dimanche, contre une faction pro-Iran, selon le Hachd Al Chaabi, une coalition de paramilitaires formée pour lutter contre le groupe terroriste Etat islamique (EI) et désormais intégrée aux forces irakiennes. En effet, des avions américains ont frappé des bases des brigades du Hezbollah, une faction pro-Iran du Hachd Al Chaabi, près de la localité d'Al Qaïm. «Ces attaques ont une fois de plus prouvé les fausses affirmations des Etats-Unis alors qu'elles ont ciblé les positions des forces qui, au fil des ans, ont infligé de lourds coups aux terroristes», a observé le porte-parole iranien, en référence à l'EI. La présence de forces étrangères dans la région est «la cause de l'insécurité et des tensions», a-t-il poursuivi. Et d'ajouter : «L'Amérique doit mettre fin à son occupation.» De son côté, le chef du Pentagone, Mark Esper, a qualifié dimanche l'opération de «succès» et indiqué avoir discuté avec le président américain, Donald Trump, «des autres options sur la table». Néanmoins, ces raids relancent encore une fois, de la part de la classe politique du pays, la présence de 5200 soldats américains sur son sol. Peu après l'opération américaine, le porte-parole militaire du Premier ministre démissionnaire, Adel Abdel Mehdi, a dénoncé «une violation de la souveraineté irakienne», tandis que les brigades du Hezbollah ont appelé à «dégager l'ennemi américain». Une autre faction pro-Iran, Assaïb Ahl Al Haq, a estimé que la présence militaire américaine est devenue «une source de menace». «Il est désormais impératif de tout faire pour les expulser par tous les moyens légitimes», a-t-elle soutenu. Le n°2 du Parlement, issu du mouvement du leader chiite Moqtada Sadr, a appelé l'Etat à «prendre les mesures nécessaires» face aux attaques américaines, de même que l'organisation Badr, autre faction armée pro-Iran. Depuis le 28 octobre, onze attaques à la roquette ont visé des bases abritant des soldats ou des diplomates américains. Les dix premières ont fait un mort et des blessés parmi les militaires irakiens, mais la dernière, vendredi soir, a provoqué la mort d'un sous-traitant américain. Aucun de ces tirs n'a été revendiqué, mais Washington a toujours pointé du doigt les factions armées irakiennes soutenues par l'Iran. Le 13 décembre, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a averti l'Iran d'une réponse «ferme» s'il est porté atteinte aux intérêts de Washington en Irak. Impasse politique Cette attaque est survenue alors que le pays est secoué depuis début octobre par un mouvement de contestation populaire. Les manifestants veulent mettre fin au système politique installé par les Américains dans le sillage de leur invasion en 2003 et aujourd'hui inféodé à Téhéran. Le 29 novembre, le Premier ministre Adel Abdel Mehdi a démissionné et Téhéran et ses alliés en Irak activent pour placer un de leurs hommes au poste de Premier ministre. En parallèle, le président irakien, Barham Saleh, menace de démissionner à son tour. Les contestataires restent mobilisés à Baghdad malgré la mort de près de 460 personnes. Ils paralysent toujours administrations et écoles dans la quasi-totalité des villes du Sud. Samedi et dimanche, ils ont interrompu pour la première fois la production du champ de pétrole à Nassiriya, à 300 km au sud de Baghdad, qui produit 82 000 barils par jour. Elle a toutefois repris hier. L'Irak a fait la guerre à l'Iran de 1980 à 1988, et a envahi le Koweït en 1990 avant d'en être chassé en 1991. Il a subi un embargo durant plus d'une décennie puis une invasion dirigée par Washington, qui a mis fin en 2003 au régime du dictateur Saddam Hussein. En 2014, Daech a pris le contrôle du tiers du territoire. Soutenues par une coalition internationale conduite par Washington, les troupes irakiennes et des forces paramilitaires liées à Téhéran ont combattu l'EI. En décembre 2017, est proclamée la «victoire» sur l'organisation terroriste. En mai 2018, sont tenues des élections législatives qui ont écarté du pouvoir, sans aboutir à une nouvelle coalition gouvernementale solide, le Premier ministre Haider Al Abadi. Les différents partis se livrent à une lutte de pouvoir qui a entravé les efforts du nouveau Premier ministre Adel Abdel Mehdi pour former un gouvernement. Il a fini à son tour par démissionner.