Selon M. Bouteflika, il ne faut pas obéir aux mercenaires de l'information « qui soulèvent l'opinion contre les magistrats ». L'épée sévira, d'après lui, contre ceux qui ne respectent pas la loi. « Nous ne céderons ni aux pressions de nos partenaires européens ni à celles des Américains », a-t-il promis. La corruption, les « mercenaires » de l'information, le code de la famille, le terrorisme et l'amnistie ont été les points saillants du discours du président de la République, prononcé hier au Palais des nations, devant les participants de la conférence nationale sur la réforme de la justice qui s'est achevée avec une série de recommandations. Après avoir exprimé sa « satisfaction » quant aux « efforts consentis » depuis cinq ans pour« rétablir la confiance entre le citoyen et sa justice », le Président a néanmoins noté que « la justice ne découle pas des discours ou des prises de décisions urgentes (...) Vous ne devez avoir cette bonne conscience qu'une fois que la justice sera louée partout dans le pays et par toutes les catégories de la population... ». Il a ajouté cependant que « la réforme doit toucher tous les secteurs fondamentaux et être engagée sur tous les fronts pour reconstruire les piliers de l'Etat et restaurer son autorité ». Pour M. Bouteflika, la justice reste « la priorité nationale » pour une « meilleure protection » de l'économie nationale et des secteurs sociaux et a réaffirmé « l'intérêt particulier » de l'Etat à lutter contre le fléau de la corruption. « Il faut intervenir pour assainir notre société de ces comportements, l'accaparement des biens publics, et extirper toutes les autres déviations, car il y va du salut de la société... », a-t-il dit. Abordant la question liée à l'amendement du code de la famille, M. Bouteflika a reconnu que la révision de ce texte a pris du retard, dont « je ne connais pas les motifs », mais « il est impératif de savoir qu'elle a été faite dans l'esprit de la religion et des valeurs de la société ». M. Bouteflika a déclaré que les « mesures urgentes engagées à court et à long termes ont été décidées souverainement. Nous ne céderons à aucune pression, ni de l'Europe ni d'ailleurs (...) La réforme ne saurait venir de notre partenaire européen ni de nos relations privilégiées avec les USA... Nos amis sont les témoins de nos efforts et nous serons à la hauteur de leurs attentes... ». Pour le président, les changements ne peuvent être perceptibles qu'à travers la confiance que doit avoir le citoyen en sa justice et les institutions de son Etat. « Notre objectif est de mettre tous les moyens pour que la justice puisse jouer son rôle d'arbitre impartial dans la préservation de la liberté d'initiative économique (...), de lutter contre le crime économique et la corruption (...) et d'être les meilleurs garants de la moralisation de la vie publique », a-t-il déclaré. M. Bouteflika a estimé que les magistrats doivent être indépendants et n'obéir qu'à la loi, uniquement à la loi, et à leur conscience. Il a expliqué que l'indépendance des magistrats ne veut pas dire le refus d'obéir aux influences nationales. « L'indépendance veut dire aussi refuser d'obéir aux personnalités influentes, riches et aux tentatives de corruption, mais également aux mercenaires de l'information qui défendent l'injustice et parviennent à soulever l'opinion publique contre les magistrats. Il faut donc une immunité contre ce phénomène, une immunité contre toutes les tentations. Le magistrat doit avoir les attributs de Dieu, oui les attributs de Dieu (...) à travers la formation qualitative... », a déclaré M. Bouteflika. Une déclaration fortement ovationnée. Mais le Président a changé de ton en rappelant aux hommes de loi qu'ils doivent s'écarter de cette vision qu'ont les citoyens d'eux, à savoir « une justice de deux poids deux mesures ». M. Bouteflika s'est engagé à ce que l'Etat « protège les citoyens » parce que, a-t-il noté, il y a des magistrats qui ont « des protections invisibles ». A l'adresse de ces derniers, il a lancé : « L'épée de la loi s'occupera de tous ceux qui ne respecteront pas la loi dans ce pays. » Abordant son thème favori lié à l'amnistie, le Président a exprimé son « attachement » à organiser un référendum sur la question lorsque, a-t-il précisé à deux reprises, « toutes les conditions seront réunies ». Pour la première fois, M. Bouteflika a noté que le terrorisme a touché le peuple algérien dans sa dignité et dans son être : « Les années noires, de la folie, de la terreur, de la destruction, des crimes, de morts, d'enterrement ont ébranlé le pays et toutes ses composantes. » Cependant, dans un discours qui ressemble à un prêche religieux, le Président a appelé les Algériens à « s'allier entre eux, car Dieu aime les cléments et les repentis (...) Nous sommes les seuls à pouvoir libérer le peuple de cette situation d'insécurité (...) Il faut que cette situation disparaisse à tout jamais (...) Entrons dans une nouvelle ère pour clore définitivement tous les dossiers laissés ouverts depuis l'indépendance ». Pour y parvenir, M. Bouteflika a exigé de « toutes les victimes » de cette période tragique de « maîtriser leur colère et de songer à l'avenir en s'écartant des rancœurs ». Pour lui, l'amnistie ne peut être décrétée « sans l'accord » du peuple algérien, précisant qu'il « ne suffit pas » d'exprimer publiquement son soutien à cette politique, mais « de céder aussi une partie de ses droits pour sauver la patrie ». Dans le cas où le peuple « cautionnerait » cette amnistie, a-t-il ajouté, « c'est à la justice que reviendra la tâche de la faire appliquer ». En conclusion, M. Bouteflika a appelé les magistrats à « s'attaquer à l'injustice d'où qu'elle vienne... ».