L'Algérie s'est dite prête à abriter le dialogue entre les Libyens. Intervenant au cours de la conférence de Berlin sur la Libye, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a réitéré son appel à «la communauté internationale d'assumer sa responsabilité en matière de respect de la paix et de la sécurité dans ce pays». La communauté internationale s'accorde enfin pour relancer les efforts de paix en Libye. Bien qu'il s'agisse d'une entente à minima, celle-ci offre l'avantage néanmoins de servir de cadre à un règlement de la crise qui ravage ce pays depuis 2011. Les dirigeants de onze pays ont convenu en effet dimanche, lors d'une conférence sur la Libye, organisée à Berlin sous l'égide de l'ONU, qu'il n'existait pas de «solution militaire» au conflit. Les résolutions de cette conférence – à laquelle ont pris part les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, la France, la Turquie, l'Italie, l'Algérie, l'Egypte, les Emirats arabes unis, l'Allemagne, l'ONU et l'UA – étaient très attendues en raison du fait que la situation a considérablement empiré dans le pays depuis l'offensive menée par Khalifa Haftar contre Tripoli, en avril dernier, dans le but de renverser le gouvernement d'union nationale (GNA). Plus de 280 civils et 2000 combattants ont déjà été tués et, selon l'ONU, plus de 170 000 habitants ont été déplacés en seulement 10 mois. Dans l'espoir donc de favoriser l'instauration d'une dynamique de paix dans l'ex-Jamahiriya, les nombreux invités de la chancelière allemande, Angela Merkel, et du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, se sont engagés notamment à respecter l'embargo sur les armes décrété il y a près d'une dizaine d'années par les Nations unies, mais resté lettre morte, et à renoncer à toute «interférence» dans le conflit. «Cet embargo sera plus strictement contrôlé qu'auparavant», a expliqué la chancelière lors d'une conférence de presse commune avec Antonio Guterres, et l'émissaire de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé. «Nous avons assisté à une escalade dans le conflit. Il a atteint ces derniers jours une dimension dangereuse», a en effet fait valoir Antonio Guterres, pointant le «risque d'une véritable escalade régionale». Renforcer l'embargo Le secrétaire général de l'ONU n'a pas tort. La crise libyenne a évolué en une guerre par procuration qui implique de nombreuses puissances, conflit qui menace aujourd'hui de déstabiliser toute la région. La Turquie, qui participait à la rencontre, soutient par exemple militairement le gouvernement d'union dirigé par Fayez Al Sarraj alors que les Emirats arabes unis, l'Egypte, l'Arabie Saoudite, la France et la Russie appuient l'homme fort de l'Est de la Libye, Khalifa Haftar, le maréchal à la retraite. Les participants à cette conférence de paix ont aussi appelé à un cessez-le-feu permanent sur le terrain. Afin de s'assurer du respect effectif et durable de la fin des hostilités, l'on apprend que des rencontres interlibyennes entre représentants militaires des deux camps devraient être organisées prochainement. Une invitation sera lancée «dans les prochains jours», a assuré Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU. Pour ce qui est de la consolidation du cessez-le-feu, l'émissaire de l'ONU a appelé les deux camps rivaux à former une «commission militaire» composée de dix officiers, cinq de chaque côté. Cette commission, a-t-il expliqué, aura pour mission de définir sur le terrain les mécanismes de mise en œuvre du cessez-le-feu. Sur cette question, de nombreux observateurs auraient souhaité voir plutôt l'ONU proposer l'envoi d'une force d'interposition en Libye. Pour eux, cette commission risque de ne pas être suffisante pour faire taire les armes. Rapprocher al Sarraj et Haftar Un point sur lequel les participants ont en revanche fait du surplace est celui concernant le rapprochement des belligérants, Fayez Al Sarraj et Khalifa Haftar. Le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, a d'ailleurs reconnu que les chefs des gouvernements rivaux de Tripoli et Tobrouk n'étaient pas parvenus «pour l'instant» à entamer un «dialogue sérieux» lors de la conférence de Berlin. «La conférence a été très utile (…) mais il est clair qu'on n'a pas réussi pour l'instant à lancer un dialogue sérieux et stable» entre Fayez Al Sarraj et Khalifa Haftar, a ajouté le chef de la diplomatie russe. Comme à Moscou, les deux chefs rivaux ne se sont effectivement pas rencontrés dans la capitale allemande. Justement, le défi, aujourd'hui, pour la communauté internationale consiste à éviter à tout prix une reprise des combats et à convaincre Al Sarraj et Haftar de reprendre les négociations de paix. Le temps presse, car la trêve observée par les deux belligérants est fragile. Les tirs ne se sont d'ailleurs pas complètement arrêtés et la conférence de Berlin ne s'est pas donné véritablement les moyens de faire pression sur Tobrouk et Tripoli. L'offre d'Alger Les autorités algériennes – qui ont la réputation de bien connaître le terrain libyen, d'observer une stricte neutralité dans le conflit et de disposer de bons canaux de communication avec les deux belligérants – ont fait savoir, à ce propos, qu'elles étaient prêtes à œuvrer en faveur du rapprochement entre les deux hommes et à abriter le dialogue entre les Libyens. L'Algérie a multiplié, ces dernières semaines, les consultations pour tenter de contribuer à une solution politique à la crise en Libye, pays avec lequel elle partage près de 1000 kilomètres de frontière. Le conflit libyen constitue un important défi pour la sécurité nationale algérienne. Alger considère «la sécurité en Libye comme le prolongement de sa propre sécurité». Intervenant au cours de la conférence de Berlin sur la Libye, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a réitéré par ailleurs son appel à «la communauté internationale pour qu'elle assume sa responsabilité en matière de respect de la paix et de la sécurité dans ce pays», affirmant que «l'Algérie refuse toute atteinte à son intégrité nationale et à la souveraineté de ses institutions». Abdelmadjid Tebboune a plaidé en outre en faveur d'«une feuille de route aux contours clairs, qui soit contraignante pour les parties, visant à stabiliser la trêve, à stopper l'approvisionnement des parties en armes afin d'éloigner le spectre de la guerre de toute la région». «Les luttes d'influence régionales et internationales et la multiplicité d'agendas contradictoires jouent en faveur du statu quo», a prévenu M. Tebboune qui a mis en garde contre les dangers de cet état de fait sur les efforts onusiens et régionaux pour parvenir à trouver une solution politique. Il revient maintenant aux Libyens aussi de tout mettre en œuvre pour sortir de la guerre.