Le ministre israélien du Commerce et le ministre turc des Affaires étrangères se sont secrètement rencontrés pour tenter d'améliorer les relations entre les deux pays, que l'on croyait définitivement rompues. On pensait les relations diplomatiques turco-isréliennes définitivement rompues après la mort de neuf citoyens turcs par des balles israéliennes lors de l'expédition pour Ghaza. Visiblement, la diplomatie a ses raisons que la raison ne connaît pas : le ministre israélien du Commerce, Benjamin Ben Eliezer, a rencontré secrètement le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, pour tenter d'améliorer les relations entre les deux pays, actuellement au plus bas. C'est ce qu'ont révélé des médias turcs et israéliens. Ces informations ont été confirmées pour l'essentiel par le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a déclaré avoir autorisé une telle rencontre. Elles ont en revanche suscité la colère du ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, qui a violemment protesté contre le fait que la rencontre avait eu lieu à son insu. Des collaborateurs de M. Davutoglu et du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan ont refusé de confirmer ou de démentir la tenue d'une rencontre entre MM. Ben Eliezer et Davutoglu. Selon la télévision israélienne Channel 2, M. Ben Eliezer, qui a de bons rapports personnels avec M. Davutoglu, l'a rencontré il y a quelques jours quelque part en Europe. Le site internet du quotidien israélien Haaretz a déclaré qu'elle s'était déroulée en Suisse. Selon la télévision turque NTV, MM. Davutoglu et Ben Eliezer se sont rencontrés pendant plus de deux heures, mercredi, dans une suite d'un hôtel de Bruxelles, où le chef de la diplomatie turque se trouvait pour discuter des négociations en vue de l'adhésion de son pays à l'Union européenne. Les premiers contacts Il s'agit de la première rencontre israélo-turque au niveau ministériel depuis l'arraisonnement, le 31 mai, par la marine israélienne d'une flottille internationale qui tentait de forcer le blocus de la bande de Ghaza. Au cours d'affrontements survenus sur le navire amiral de la flottille, le bateau turc Mavi Marmara, neuf militants turcs avaient été tués. L'affaire de la flottille a encore détérioré les relations déjà très mauvaises entre les deux anciens alliés. Ankara a rappelé son ambassadeur et annulé trois manœuvres militaires conjointes. Le bureau de M. Lieberman a déclaré dans la soirée que la rencontre israélo-turque avait eu lieu sans que le ministère israélien des Affaires étrangères en ait été informé et sans son approbation. « Le ministre des Affaires étrangères considère comme grave le fait que cela s'est produit sans que le ministère en soit informé », indique le communiqué, qui ne mentionne pas les noms de M. Ben Eliezer et de M. Davutoglu. « C'est une insulte aux normes de comportement communément acceptées et un coup sévère à la confiance entre le ministre des Affaires étrangères et le Premier ministre », déclare le communiqué. 1949-2010, des relations en dents de scie Le bureau de M. Netanyahu a indiqué pour sa part que le Premier ministre avait approuvé une demande de M. Ben Eliezer d'avoir une rencontre non officielle avec « une personnalité turque ». Dans un communiqué, il a attribué à « des raisons techniques » l'absence de coordination avec le ministère des Affaires étrangères. Selon la télévision turque NTV, MM. Davutoglu et Ben Eliezer ont convenu de garder leur rencontre secrète, de ne communiquer le contenu de leur entretien qu'à leurs Premiers ministres respectifs et de se revoir secrètement à une date indéterminée. La rencontre a été cachée au négociateur en chef turc Egemen Bagis et au ministre de l'Agriculture Mehdi Eker, qui se trouvaient à Bruxelles avec M. Davutoglu, indique NTV, qui ne cite pas de source. Selon la chaîne turque, les deux ministres ont discuté des moyens de réparer les relations bilatérales et M. Davutoglu a réitéré la position d'Ankara selon laquelle Israël doit présenter des excuses pour l'arraisonnement du Mavi Marmara. La Turquie a longtemps été le principal allié d'Israël au Moyen-Orient. En 1949, la Turquie a été le premier pays à majorité musulmane à reconnaître l'Etat d'Israël. Les deux pays tissent alors au fil des ans des relations économiques, diplomatiques et militaires poussées. En 1966, un traité militaire les rapproche un peu plus, offrant notamment la possibilité à l'armée israélienne d'utiliser l'espace aérien turc pour ses entraînements. L'arrivée au pouvoir du parti islamo-conservateur AKP change la donne. En décembre 2008, Israël lance une attaque subite et meurtrière dans la bande de Ghaza. L'opération, baptisée Plomb durci, dure trois semaines. C'est le début de la fin dans les relations entre les deux pays. Le 31 mai 2010, la Turquie demande une réunion en urgence du Conseil de sécurité de l'ONU après l'attaque par Israël d'une flottille internationale chargée d'aide humanitaire à destination de la bande de Ghaza. Les conséquences seront « irréparables » selon Ankara, irréparrables jusqu'à cette fameuse rencontre secrète.