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Réussite, un exemple de conciliation entre loi du marché et aides réglementaires
La bonne santé du cinéma français
Publié dans El Watan le 31 - 03 - 2005

La bonne santé du cinéma français est une preuve que le7e art se porte bien pour ceux qui le veulent bien. Le chiffre d'affaires cumulé des activités audiovisuelles est équivalent à l'ensemble des recettes annuelles en hydrocarbures de l'Algérie.
Le secteur de la production audiovisuelle entretient près de 10 000 sociétés de diverses spécialités et donne du travail à une centaine de milliers de personnes. Ces chiffres, à eux seuls devraient faire réfléchir les « génies » du pragmatisme financier. Car les films sont pour un pays comme la France, des œuvres artistiques, certes, mais aussi des produits culturels de la plus haute importance pour l'image que les spectateurs-consomateurs ont de ce pays. L'impact sur l'exportation des autres produits, de luxe en particulier, tombe dès lors sous le sens. Contrairement à ce que colportent dans leur ignorance les partisans du « le cinéma est mort, vive la télé », jamais le cinéma français n'a connu autant d'entrées que lors de ces dernières années. Les complexes de multisalles fleurissent partout et le public recherche de plus en plus ce cinéma alternatif au film américain. En 2004, la France a produit plus de 200 films, 203 exactement ; un peu moins que l'année précédente, mais 23 de plus qu'en 1999. Encore faut-il préciser que ce chiffre ne tient pas compte des nombreux films dits sauvages parce qu'ils n'ont demandé ni aide ni agrément. Le seuil des 200 films agréés a été franchi pour la quatrième année consécutive. L'écrasante majorité de ces films sont des œuvres d'initiative française, 36 seulement ayant été produits l'année dernière avec des capitaux étrangers majoritaires. Il convient de noter que plus de 3 films français sur 4 n'ont pas bénéficié de co-production. La mise en place d'un nouveau dispositif d'incitation fiscale, appelé le « crédit d'impôt » est sans doute à l'origine de ces nouveaux gisements financiers pour la production d'œuvres cinématographiques. Cette évolution se traduit par une augmentation de plus de 45 millions d'euros dans l'investissement au profit des films à domination française. Au total, l'investissement français dans les films agréés par le CNC a atteint, en 2004, 800 millions d'euros contre seulement 100 millions pour les coproductions à majorité étrangère.
Le principal ambassadeur de la francophonie
Parmi les films à majorité française, seuls quatre ont été tournés dans une langue étrangère (dont Man to man de Régis Wargnier et Animal de Roselyne Bosch). On peut imaginer l'importance que revêtent ces 163 films pour la présence de la langue française dans le monde. Aujourd'hui, le cinéma français est sans doute le principal ambassadeur de la francophonie. L'exemple des pays du Maghreb est à cet égard édifiant. Après une politique d'arabisation forcée, on croyait le français condamné. C'est surtout grâce aux paraboles et aux productions audiovisuelles de langue française (originale ou doublée) que les jeunes Maghrébins ont redécouvert la langue française dont ils font un usage de plus en plus régulier. Le film français avait jadis la réputation d'être basé sur de petits budgets étriqués. Ce n'est plus le cas, puisque le coût moyen d'un film en France est de plus de 55 millions d'euros, soit plus de 50% d'augmentation. Les films de moins d'un million d'euros ne représentent plus que 20% du total de la production et sept sur dix d'entre eux sont des premiers ou seconds films. Trente-trois productions avaient bénéficié par contre en 2004 d'un budget supérieur à 7 millions d'euros. Cette constante progression s'explique par le système des aides du Centre national du cinéma, mais aussi par des financements engagés par des chaînes cryptées ou en clair. La coproduction est une autre forme d'investissement qui a concerné 73 films. La France a ratifié en 2002 la convention européenne sur la coproduction. Cette convention qui favorise les montages financiers impliquant plus de deux pays a rapidement pris le pas sur les accords bilatéraux. Mais ce sont les préachats par les télévisions qui représentent les plus gros investissements dans l'industrie cinématographique française. Ainsi et parmi les films à gros budget, 31 ont bénéficié d'un financement d'une chaîne de télévision à péage. Canal + est intervenu dans 25 de ces œuvres, dont 7 conjointement avec TPS et Ciné Cinéma.
L'interaction de la télévision
Cette participation est le résultat conjugué d'une politique commerciale destinée à fidéliser le téléspectateur et d'une série d'obligations consignées dans des accords avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'une part, et les organisations professionnelles du cinéma d'autre part. Ainsi, Canal + a le devoir de consacrer au moins 20% de ses recettes nettes à l'acquisition des films dont 12% d'œuvres européennes et 9% d'expression française. Canal est intervenu en 2004 dans 124 films français de budgets variés, pour un montant global de 137 millions d'euros. Au cours de la même année, Ciné Cinéma a investi 9,4 millions d'euros dans 48 films et TPS a participé au financement de 46 longs métrages pour un budget total de 32 M euros (pour la plupart des premiers ou seconds films). A cette manne s'ajoutent les apports des chaînes en clair. Les cinq chaînes privées et publiques ont participé au budget de 105 films français pour un montant total de près de 125 millions d'euros. Si Arte n'est soumise à aucune autre contrainte que ses objectifs d'audience, les autres chaînes françaises sont tenues de consacrer au moins 3,2 % de leur chiffre d'affaires au titre des préachats ou de la coproduction. Les chaînes cryptées ou en clair ont dans leur globalité apporté plus de 300 millions d'euros au cinéma français. La remarquable vitalité du cinéma français est avant tout le résultat d'une réglementation qui concilie les règles du marché libre avec des systèmes d'aide ou d'obligation particulièrement opérants. Les plus connues de ces aides sont les avances sur recettes qui ont cumulé 23,5 M euros au profit de 63 films et le soutien financier (70 M euros) généré par l'exploitation des œuvres. Les régions françaises ont pour leur part consenti plus de 11 millions d'euros pour encourager les productions françaises à être tournéés en province. Avec le crédit d'impôt qui exonère jusqu'à 20% des dépenses sur un film, la plus grande trouvaille du cinéma français a été la création en 1985 des sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica). Ces sociétés de collecte de fonds (en contrepartie de déductions d'impôts pour les bailleurs de fonds) sont intervenues dans 55 films en 2004 pour un montant de près de 28 M euros. Au début 2005, ce dispositif d'aide si élaboré a encore été enrichi par la décision de faire garantir par l'Institut pour le financement des œuvres culturelles (IFCIC) les crédits bancaires accordés aux producteurs des œuvres cinématographiques jusqu'à concurrence des deux tiers. Autre vérité des chiffres qui contredit formellement les idées reçues sur l'usage supposé massif de la vidéo au cinéma : les trois quarts des films français ont été tournés en 35 mm. Vingt-trois films ont utilisé le 16 mm et 21 films seulement (dont 8 documentaires) ont été réalisés en vidéo numérique. Cela signifie que les trois grands laboratoires et les studios de postproduction français continuent à participer activement à la prospérité de l'industrie cinématographique française. Comme on le voit, la bonne santé du cinéma français s'appuie sur des activités économiques fortement génératrices de richesses pour l'ensemble de la société. Le film en France a conquis sa place comme produit culturel. Le ministre français de la Culture a récemment souligné lors du dernier Mipcom la « contribution essentielle pour l'économie du secteur audiovisuel que représentent les achats des programmes français par les chaînes du monde entier. La France, a-t-il ajouté, s'affirme comme une nation exportatrice de programmes ». Au cœur de l'Europe communautaire, le cinéma est un pion essentiel dans la stratégie française d'exception culturelle destinée à résister à l'hégémonie des produits américains et au danger de voir s'instaurer au sein d'un monde totalement commercialisé, une nouvelle pensée unique.


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