Pastèques, melons, petites prunes jaunes et rougeâtres, figues et mûres, ramassées par des bambins, constituent l'essentiel des fruits achetés par ceux qui ne gagnent que… des nèfles et/ ou des prunes ! Empêtrés dans une mathématique fourbe et perfide de dépenses inextricables, les ménages moyens constantinois n'ont plus où donner de la bourse ; les dépenses pour les quelques jours de vacances, celles à réserver pour le mois de Ramadhan, qui pointe à l'horizon, ou encore celles à prévoir pour la rentrée scolaire, à défaut de permettre à la table d'exhaler de bonnes saveurs, elles font nourrir les appréhensions les plus insensées. Du marché Bettou, sis au boulevard Belouizdad, à celui de la cité Fadila Saâdane, en passant par ceux dits des petites bourses, situés dans les quartiers populaires de la ville, à Daksi, à Souk El Asser et à la cité El Bir, notamment, les prix ne cessent de grimper et de laminer fortement l'escarcelle des ménages, déjà éprouvés par les factures d'électricité, d'eau et de loyer. Les étals fleurissent et prospèrent en cette saison, bigarrés des couleurs vives et chatoyantes de ces fruits gorgés de soleil et donnant l'eau à la bouche, mais cependant, face aux prix exorbitants et inabordables affichés, ils restent infréquentés par la majorité qui préfère préserver, un tant soit peu, la santé de son maigre budget. Ces étals n'attirent pas foule ; au passage, des pères de famille n'y jettent qu'un regard furtif, sans doute pour ne pas se laisser tenter par la passion que chacun nourrit légitimement pour les fruits. Pastèques, melons, petites prunes jaunes et rougeâtres, figues et corbeilles de mûres ramassées par des bambins, constituent l'essentiel des fruits achetés par ceux qui ne gagnent que… des nèfles et ou des prunes ! À Souk El Asser, là où, ô péché capital, se vendent des pommes découpée en trognons, en passant par les camionnettes des vendeurs ambulants, ou alors ces marchands improvisés au bord des routes menant à Hamma Bouziane, Didouche Mourad et El Khroub, les ménages moyens, voire même des cadres, fourbus par la cherté de la vie, à laquelle ils sont confrontés, se bousculent pour garnir le panier à moindre frais. Ils sont obligés de concéder des marges, et pas des moindres : l'hygiène et la qualité des produits. Cocktails fruités et tutti frutti Quels principes nutritifs pourraient donc avoir ces fruits piqués, tachetés, tavelés, véreux, blets, voire même pourris ? Et de quel principe moral ou commercial se prévalent ceux qui les fourguent, à moitié prix même, à une clientèle pour qui le fruit reste défendu quand il est frais, parfumé, succulent et savoureux ? Et enfin, qui s'en soucie ? Ils se vendent plutôt bien, et les agents fonctionnaires des différents services de contrôle y goûtent eux aussi, alors !? Le ver ne serait donc pas dans le fruit, quand des abricots sont à 90 et à 100 DA/kg, des bananes à 130 et à 150 DA, les poires à 200 DA, la nectarine de 160 à 200 DA, les pêches de 140 à 200 DA, les figues au prix de 120 et 160 DA, les pastèques de 50 à 80 DA/ kg et le melon à 60 DA. Pour les pommes, elles sont à 60 DA/kg, pour la verte de Hamma Bouziane, à la Golden, qui coûte de 160 à 200 DA/kg. Avec ces prix, les Constantinois s'accordent à dire que les fruits deviennent pour eux un luxe. Mais il reste d'autres, aux prix intouchables, destinés à des clients pour qui le fruit n'est pas si défendu. Ces derniers, fervents adorateurs de Pomone (déesse des fruits), n'hésitent pas à débourser de gros sous pour en acheter beaucoup et s'empiffrer à volonté, allant jusqu'à se concocter des mets aux fruits délicats, exotiques et un tas de tutti frutti, sorbets et autres cocktails fruités. Ils achètent les cerises à 600 et 800 DA, ananas, kiwi, avocat, mangue et autres fruits exotiques, à des prix inimaginables. Hélas, chez nous les fruits de la terre ne profitent qu'à une minorité de pansus, bien friqués, le reste, la majorité, non satisfaite de sa vie, reste condamnée à regarder ces nantis se sucrer, n'ayant pour tout fruit à goûter que ceux amers et de mauvaise qualité qui demeurent inaccessibles pour leurs modestes bourses, par ailleurs très mal en point et usées à trop vite sortir le petit argent qui arrive à chaque fin de mois.