Au fil des jours et des événements, le pouvoir fait montre d'une volonté et d'une obstination inégalées à ne rien céder de son autoritarisme qu'il exerce au quotidien. Alors qu'il fait face, depuis bientôt une année, jour pour jour, à une mobilisation citoyenne pacifique au cours de laquelle des millions d'Algériens descendent dans la rue plusieurs fois par semaine pour demander le changement du système et la rupture définitive avec les anciennes pratiques du pouvoir qui ont prévalu depuis plusieurs décennies, le régime actuel ne fait pas exception par rapport à tous ceux qui l'ont précédé. Lui aussi s'enferme dans un affolant déni de la réalité, ignorant cette «révolution populaire» qui secoue le pays depuis une année, poursuivant une démarche à l'issue incertaine. Dimanche dernier, alors que des millions de citoyens, venant des quatre coins du pays, s'étaient donné rendez-vous dans la ville de Kherrata pour commémorer le premier anniversaire du hirak, une conférence, qui devait voir la participation de représentants d'organisations de la société civile et d'acteurs de la Révolution du sourire dans un hôtel de la capitale, était interdite par des autorités en mal de zèle à mettre dans l'excès, comme dirait le brave soldat Sveijk… Excès dans la répression cela s'entend. Tandis que dans un fol égocentrisme, le pouvoir – sourd aux revendications citoyennes et aux attentes de rupture, sinon de changement systémique, le régime actuel enivré qu'il est dans «sa réalité» – convoquait un cénacle de walis et de hauts responsables au palais à Club des Pins pour discuter de développement local, entre autres, et de bien-être des populations. Ceci, alors que les interpellations de militants de droits de l'homme, de cyber-activistes se poursuivent à tour de bras et que le harcèlement des tribunaux à l'encontre de personnes détenues pour leurs opinions ne semble pas près de s'arrêter. En somme, les pratiques autoritaires perdurent et sont loin de connaître le moindre répit. Les discours lénifiants, ou du moins qui se veulent comme tels, des représentants du régime, et à leur tête Abdelmadjid Tebboune, à l'endroit du hirak qu'ils trouvent vertueux, ne sauraient dissimuler le caractère volontairement répressif du régime à l'égard de toute velléité de contestation politique ou sociale. Une telle posture du pouvoir ne peut que susciter à coup sûr un regain de rejet de la part de la population d'un système obsolète et rétrograde. Dans sa démarche qui consiste à souffler le chaud et le froid, à travers des discours flatteurs et en maniant, par ailleurs, le bâton de la répression, comme on l'a remarqué une fois de plus hier, avec les violences policières contre des enseignants grévistes à Alger, le pouvoir pense contenir une contestation à un niveau «acceptable», donc «gérable». Ce qu'il ignore, sans doute, c'est qu'il ne fait que précipiter cette incertitude quant à sa survie à plus ou moins longue échéance. Les Algériens ne se satisferont pas d'un système replâtré à partir de résidus. Leur volonté et leur détermination à aller vers un nouveau système suite à une rupture d'avec les pratiques anciennes révolues n'en seront que plus fortes.