La génération gnawie s'est donné rendez-vous, jeudi soir, au Théâtre de verdure de l'Office Riadh El Feth à Alger pour l'ouverture de la troisième édition du Festival culturel international de la musique diwan. L'espace réduit du théâtre ne pouvait évidemment pas contenir l'ensemble de cette génération des 17-35 ans qui s'identifie à cette musique profondément africaine. Certains n'ont pas hésité à se mettre aux couleurs du diwan avec chèche, tunique, djellaba et gestuelle. D'autres ont versé dans l'exotisme de ce « truc-là à la mode » ! L'animation approximative des frères Mesbah n'a pas emballé les présents, venus écouter la musique, et surtout danser. Dès le départ, et avec le rituel retard des soirées d'Alger, Ouled Haussa ont occupé l'espace avec l'habituelle danse de karkabou ou « la nouba Tbel ». Cela faisait presque du déjà vu. Mais, bon, les frères Soudani, Aïssa et Fayçal, le cousin Mohamed, Nassim Lassel, Karim Boucetta, Gherouss Lyès et Yousri Toto ont tenté de rester fidèles à l'esprit des gnawa. Pas d'instruments « modernes » : karkabou, gumbri et percussions suffisaient à créer l'ambiance traditionnelle du diwan. « Ouled Haussa a été créé il y a trois ans. Nous avons joué avec diwane Dzaïr et diwane El Qasbah, mais nous avons pensé à créer notre propre groupe. Cette année, nous avons décroché le premier prix au festival de Béchar. Notre appellation est inspirée des tribus Hawsa qui vivent dans le Niger et au Soudan », nous a expliqué Aïssa Soudani, maâlem gumbri. Aïssa et son frère ont hérité cet art de leur père. Le groupe veut puiser dans les modules « Ouled Hawsa » qui existent dans la structure musicale du gnawi. Des modules semblables à ceux des noubates de la musique andalouse. Sur scène, Ouled Haussa a interprété des morceaux tels que Dawi extraits de son premier album au titre éponyme sorti en 2009. « Après le Ramadhan, nous allons nous lancer dans l'enregistrement de notre nouvel album. Il sera plus traditionnel et typiquement diwan. Il n'y aura que le gumbri et le karkabou, ni batterie ni violon ! Nous allons interpréter des modules de Ouled Hawsa encore inconnus en Algérie », a précisé Aïssa Soudani. Le prochain opus sortira vers le début de 2011. « Nous avons tenté de ''blanchir'' les paroles que nous chantons en les simplifiant. Nous puisons toutes nos paroles dans le patrimoine », a-t-il ajouté. Côté musique, Ouled Haussa s'inspire beaucoup de l'afro-beat qui semble prendre de plus en plus de place en Algérie, cette terre africaine ! En mai dernier, Ouled Haussa était à Johannesburg pour célébrer justement le continent. « Nous y avons animé trois concerts et participé à un carnaval. Le public était en fusion avec nous. Les spectateurs ont même chanté avec nous. J'étais étonné de constater qu'ils connaissaient les paroles ! », a souligné Aïssa Soudani. A Riadh El Feth, il y avait aussi fusion avec la nouvelle star de la musique malienne Oumou Sangaré qui a émerveillé les présents. Elle n'a pas hésité à appeler un jeune spectateur à jouer le jembé, un instrument fort connu dans le Diwan land algérien. Oumou Sangaré a interprété des morceaux choisis de ses albums dont les deux derniers Oumou et Seya. Oumou, qui a beaucoup appris de sa mère chanteuse, Aminata Diakité, et du maître, Amadou Ba Guindo, a fait le tour du monde soutenue par le label britannique World circuit records (qui abrite également son site internet). Son griot, Cheikh Omar Djabaté assure actuellement des cours de musique au Mexique. Le style traditionnel wassoulou a été propulsé sur la scène internationale grâce à Oumou Sangaré. Elle s'est produit, entre autres, au Maroc (Essaouira et Mawazine à Rabat), à Sydney en Australie et Queen Elisabeth Hall à Londres. Son groupe a eu le premier prix au festival d'été du Québec en 2009. Après Alger, Oumou Sangaré ira en Italie puis en Afrique du Sud pour animer des concerts. En 2009, Oumou Sangaré et son groupe ont animé une centaine de spectacles dont la moitié en Afrique. En présentant les instruments traditionnels au jeune public, l'artiste a dit ce que beaucoup d'Africains pensent depuis longtemps. « Mes frères, bien avant l'arrivée des colonisateurs, l'Afrique avait sa civilisation. L'Afrique était déjà bien organisée », a-t-elle lancé. Oumou Sangaré, qui apporte un grand soutien aux chômeurs de son pays, est engagé dans des combats connus dont celui des droits de la femme et celui du développement de l'agriculture. Ses chants, sa musiques ne sont donc pas que de simples amusements d'été. L'adhésion merveilleuse du public à son interprétation honnête et nette souligne que, quelque part, l'esprit Panaf (Festival culturel panafricain) n'a pas quitté Alger. Il était temps que l'Afrique retrouvât tous ses droits dans le pays des guerriers ! Ce soir, le public gnawi découvrira une musique différente avec le trio indien Amrat Hussein. Et demain, le Burkinabé, Bebey Prince Bissongo, sera sous les lumières. A ne pas oublier l'instructif documentaire de Eliane Azoulay, prévu demain à 14 h à la salle Ibn Zeydoun, Transes gnaoua, un rituel de guérison à Essaouira ainsi que la conférence de Azzedine Benyacoub de l'université de Constantine, « De la violence et de l'héroïsme dans la danse gnaoui », qui sera présentée le même jour à la salle Frantz Fanon.