Karol Wojtyla a résisté jusqu'au bout, parcourant douloureusement son chemin de croix. Atteint de la maladie de Parkinson depuis treize ans, l'ouvrier polonais qui voulait devenir acteur aura été le premier pape à entrer dans une mosquée lors de sa visite à Damas. Le mois de mai prochain, il aurait fêté ses 85 ans. Premier pape non italien à avoir accédé à ce titre depuis 455 ans et aussi le seul pape à avoir été victime d'un attentat, Jean-Paul II est arrivé au terme de sa longue et éprouvante agonie. Les Italiens et les autres catholiques dans le monde sentaient, hier soir, leur espérance de voir le souverain pontife se reprendre de cette rechute physique s'atténuer au fur et à mesure que passaient les heures. Jean-Paul II a été victime d'un choc sceptique provoqué par une infection urinaire, dans la nuit de jeudi, et son corps affaibli par l'âge et la maladie ne semblait pas répondre efficacement à l'intense thérapie antibiotique à laquelle ses médecins traitants l'ont soumis après l'avoir assisté suite au collapsus cardio-circulatoire qui l'a frappé. Dans la salle des conférences du Vatican, le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro Valls, a diffusé à la presse des bulletins ajournés, de plus en plus pessimistes. Le dernier a parlé de la perte de connaissance du pape, de la forte détérioration de ses fonctions rénales et d'une insuffisance cardiaque et respiratoire aiguë. Dès l'annonce de cette nouvelle, les autorités italiennes ont annoncé l'annulation des cérémonies et évènements politiques prévus pour la clôture de la campagne électorale, qui précède le vote régional du week-end prochain. Les matchs de football du championnat italien ont également été suspendus. La préfecture de Rome craignant un afflux massif de fidèles de toute l'Italie et d'ailleurs vers le Vatican a pris des dispositions urgentes pour éviter tout chaos dans la ville éternelle. Le ministre des Affaires étrangères italien, Gianfranco Fini, a affirmé que « dans un moment de grande douleur pour l'état du pape, il est juste de déposer les armes ». La coalition du centre-gauche dirigée par Romano Prodi a, elle aussi, annulé ses meetings électoraux. Rappelons que le pape avait refusé d'être transporté à la clinique universitaire Gemelli de Rome, où il avait récemment séjourné et subi une trachéotomie suite à des problèmes respiratoires. Car, dans ses appartements au Vatican, le pape disposait d'une assistance médicale. Même deux médecins réanimateurs ont été affectés à son chevet. Mais tous ses efforts se sont avérés vains, et comme l'affirmait le quotidien catholique Avennire, dans son édition d'hier, les Italiens ont compris que désormais « c'est le moment de prier ». Des millions de catholiques dans le monde ont attendu que de la bouche du vicaire de Rome, Camillo Ruini, à qui revient la charge de communiquer la fatidique information du décès du pape aux Italiens et au monde entier, émane la solennelle et grave phrase : « Le pape est mort. » Les 117 cardinaux du monde entier ont commencé, hier soir, à affluer à Rome. Selon des indiscrétions provenant du Vatican, cette fois, il est fort probable que le successeur au Polonais Jean-Paul II soit italien, surtout que la vingtaine de cardinaux italiens reste la majorité absolue dans l'assemblée qui tiendra son prochain conclave. Les plus cotés - deux théologues académiciens - sont Dionigi Tettamanzi, 71 ans, archevêque de Milan, et le patriarche de Venise Angelo Scola, 63 ans. L'une des images qui restera gravée dans la mémoire collective est celle de Jean-Paul II tapotant l'épaule du Turc Ali Agça qui avait attenté à sa vie en 1981 sur la place Saint-Pierre. Ces derniers jours, des révélations avaient annoncé un prochain coup de théâtre dans cette affaire après que les autorités allemandes eurent affirmé rendre publiques les archives des anciens services secrets de l'Allemagne de l'Est, la terrible Stasi. La piste bulgare serait finalement confirmée. Jean-Paul II a peut-être raté quelques rendez-vous dans son long et intense parcours pontifical. Alors qu'il a visité 131 pays, il n'avait pas jugé opportun de marquer une halte en Algérie, comme il l'avait fait au Maroc et en Tunisie. Il n'a pas nommé l'archevêque d'Alger, Monseigneur Henri Teissier, au titre de cardinal, alors que, selon d'éminents experts de l'Eglise catholique, cela aurait été largement mérité par ce dernier qui fait partie du synode africain depuis 1989. Mais Jean-Paul II souhaitait béatifier l'ermite de Tamanrasset, Charles de Foucauld, le 15 mai prochain.