Ce ne sera pourtant pas de l'eau de rose. Un chevalier sorti d'on ne sait où est venu brouiller la mélodie. Le décor ainsi planté ne pouvait laisser indifférents les vers d'un poète qui raconte aussi simplement, sans détour, les péripéties d'une aventure amoureuse naïve et tendre. Une fille de grande beauté que seuls les villages retirés dans les montagnes savent enfanter, Aouicha, pour le poème jamais chanté par les Marocains, mais bien repris par les Algériens, sera le fil conducteur d'un melhoun bien conté par un amoureux. Il raconte la mésaventure, d'une manière assez forte, d'un amour brisé par une intrusion peu habituelle dans des régions aussi désertiques, plus préoccupées par la beauté du geste que par la mesquinerie de ses villageois. Face au harraz méprisant, snobant tout son monde, le poète opposa de la malice, un brin de ruse mais beaucoup de maladresse. L'amour du troubadour était pourtant plus fort que tous les cadenas du palais où était prise en otage son Aouicha par El harraz, ce cavalier venu à bride abattue qui voulait assouvir sa passion des femmes. Eloquente poétesse du Maghreb, jeune fille aux dix-huit printemps, elle surpassait toutes les autres filles d'Azemour, ce petit village vierge niché au creux d'une verte vallée. superbe et gracieuse, elle jouait du luth de ses doigts de fée, en chantant des mélodies à faire chavirer les cœurs. Telle était Aouicha. Le poète ne voulait pas que son amour vive seulement en paroles et décida alors de défier le cavalier. Mais comment faire ? Il s'en remit à ceux qui voulaient l'aider pour crier haut et fort : « ô ! Vous qui m'écoutez, que dois je faire, quelle ruse dois-je utiliser avec ce harraz ? », questionna le poète qui avait usé auparavant de beaucoup de stratagèmes sans réussir. Une réponse brisa son désespoir : « Ne t'inquiète pas mon ami, nous t'aiderons à retrouver ta bien-aimée ! », répondirent d'une seule voix les belles venues s'enquérir de leur amie. « Nous allons toutes partir avec toi et nous convaincrons ce harraz de malheur de relâcher Aouicha ta bien-aimée ! ». A ces paroles, notre poète reprit espoir, et ensemble ils mirent au point un plan. Au pied du perron, où était enfermée sa bien- aimée, le poète clama cette belle phrase : « Je suis le cadi de la ville venu solliciter ta bénédiction, ô sage érudit et t'inviter, au nom du Généreux, à honorer ma demeure de ta visite ! ». Le chevalier venu du désert rétorque : « Ô cadi ! Cette paix offerte, je ne la crois pas sincère. Pour moi, votre nourriture est illicite et tu es un cadi fourbe. Passe ton chemin et éloigne-toi de moi. Comment un importun comme toi pourrait-il être cadi ? », dira le cerbère, qui, tel un faucon, rentra dans son palais. Il fallait une autre ruse pour tromper ce diabolique harraz, disciple de Sidi Rahal. En guise d'attaque, le troubadour clamera sa poésie pour que le harraz s'avoue vaincu. La fin de ce merveilleux conte est restée ouverte à toutes les suppositions mais toutes s'accordent à dire que les vers poétiques du troubadour ont eu raison du pouvoir perçant d'El harraz.