A défaut d'être écoutés par un pouvoir qui n'a d'yeux que pour une UGTA aux ordres, les syndicats autonomes viennent d'être accrédités d'un précieux gage de légitimité, mais aussi et surtout de représentativité. Le Centre américain de solidarité (Solidarity Center) prévoit la création en Algérie d'un centre des droits des travailleurs, des libertés syndicales et des droits de l'homme. Une initiative qui traduit les appréhensions des Américains sur le contexte imposé par le pouvoir aux syndicats autonomes. Le droit de grève est, depuis la grève du Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest) et du Conseil des lycées d'Alger (CLA), devenu un délit. Le débrayage qui a paralysé les lycées du pays en 2003 a dévoilé au grand jour les capacités de riposte des autorités. Ponctions sur salaire, tapage médiatique de l'ENTV, convocations en justice et puis radiations. Le hic, le récépissé d'enregistrement du Cnapest attend le jour depuis 2003. En attendant, toutes les grèves initiées par le Cnapest sont considérées illégales, car le syndicat n'est pas reconnu. Pour les activités de Solidarity Center, un programme de coopération avec les syndicats autonomes est élaboré pour s'étaler jusqu'au 31 mars 2006. A cet effet, le Centre de solidarité effectue un séjour en Algérie du 9 au 21 avril. Les thèmes suggérés par Solidarity Center sont d'une importance capitale. Le premier atelier cible les dirigeants syndicaux pour traiter des techniques de sensibilisation, de négociation et de résolution des conflits. Irena Lasota, formatrice syndicale, et Jonathan Haddad, chargé de programme pour le Maghreb, souhaitent, par le biais de cette session de formation, aider les dirigeants syndicaux à présenter valablement les demandes faites par leurs membres auprès des fonctionnaires et de la direction. Par le même atelier, Solidarity Center entend entraîner les dirigeants syndicaux à se servir de techniques pour recueillir l'adhésion de la population sans pour autant être confrontés au gouvernement ou à la direction. Des sujets bien choisis par les consultants américains qui connaissent sans doute les difficultés auxquelles sont confrontés les syndicats autonomes. L'exemple de la grève du Cnapest et du CLA est édifiant. Le ministre de l'Education a, pour désolidariser l'opinion publique des enseignants grévistes, arboré le droit constitutionnel de l'élève à l'éducation. Puis le ministre joue la carte des parents d'élèves, invités à exprimer leur colère contre les grévistes devant les caméras de la télévision. Même scénario durant la grève de la santé M. Redjimi a enclenché une action judiciaire contre les spécialistes de la santé en mettant en avant le droit du citoyen aux soins. Pour ce qui est des négociations avec le gouvernement, le centre américain appelle les participants à développer des stratégies pour pouvoir s'exprimer au Conseil national économique et social (Cnes) et à la tripartite.Concernant le second atelier, il s'adresse aux syndicalistes du secteur de l'éducation pour s'imprégner des méthodes d'organisation et de négociation collectives. Un représentant de la Fédération américaine des enseignants (AFT), épaulé par un représentant de la Fédération syndicale mondiale de l'éducation (EIGUF), animeront les travaux de cet atelier. De son côté, la fondation espagnole Développement Assistance Recherche Association (Dara) est en Algérie depuis hier pour fixer son agenda de travail avec les syndicats autonomes. Dara, qui coopère avec la Fondation espagnole pour les relations internationales et le dialogue extérieur (FRIDE), a préparé un programme pour six mois. Le but, indique Rafael Bustos, chercheur à la FRIDE, est de renforcer la société civile et la bonne gouvernance en Algérie. Ainsi, les consultants espagnols envisagent de faire, au préalable, un diagnostic le plus rigoureux possible sur le contexte actuel et des possibilités d'amélioration. Plus explicite, il s'agit d'identifier les secteurs et les acteurs à majeur potentiel et de donner des recommandations aux bailleurs de fonds de programmes de démocratie et de bonne gouvernance. Ce sujet est d'une grande importance puisque l'ensemble des syndicats autonomes est confronté à des contraintes financières, alors que l'UGTA gère de son propre gré les œuvres sociales. Les experts espagnols envisagent de donner forme aux projets concrets de coopération internationale engageant tant les ONG algériennes que les autorités du pays. Ainsi, le Snapap, le Snommar, le Cnes, le Cnapest, le CLA, le Snpsp et le Snpssp ne peuvent que se réjouir de ces deux initiatives qui tombent à point nommé pour déverrouiller le champ syndical.