Il regarde dehors le rideau de pluie. Cela dure depuis des heures. Rien ne bouge. Sauf quelques intrépides affamés, comme moi, pas désespérés du tout par l'averse, qui ont fait le chemin jusqu'ici et traversé le carrefour inondé pour se faire servir une pizza délicieuse à l'ananas... Je suis à Phuket, l'île des fleurs, des forêts et des plages, au sud de la Thaïlande. C'est un endroit superbe en période de mousson (juin-juillet). Eau turquoise et plages de sable fin, Phuket (on dit poo-ket) est bien calme en cette basse saison. Nulle part ailleurs qu'ici ,il n'y a cette lumière sublime, cette simplicité,cette quiétude. A Phuket town, la petite capitale de l'île, règne une atmosphère de vieille époque, d'un siècle passé. Elle a été construite au XIXe siècle par desmarchands chinois qui ont émigré de Pénang, l'île voisine de la Malaisie. Les maisons ont gardé cet air gai, attirant, elles ont été repeintes fraîchement en bleu, en jaune, en vert...C'est un style très élégant, sino-portugais, témoin d'une histoire riche, luxueuse où les marchands prospères vivaient dans le faste. Sous les arcades de la rue principale, Thanon Thalang, j'observe les descendants des marchands chinois supervisant l'arrivage des tissus de soie, d'objets d'artisanat venus aussi de Malaisie et d'Indonésie. Je suis content d'être venu de si loin pour tomber, à Phuket town, sur la plus sympathique librairie du monde,la South Wind Books. Oscar des libraires Un fouillis réjouissant aux murs tapissés d'ouvrages et de portraits d'écrivains célèbres. Et où le maître des lieux, qui mérite l'Oscar des libraires, tout en veillant au grain, résume pour le visiteur les dernières publications des pays d'Asie. Je ressors de cette charmante boutique civilisatrice avec deux ouvrages : Description of Old Siam, témoignages sur la Thaïlande du XIXe siècle, écrit par des missionnaires étrangers à la cour du souverain Mongkut ( Rama IV) et son successeur le roi Chulalongkorn ( Rama V), deux grands réformateurs qui ont ouvert leur pays aux voyageurs étran- gers ; Tropical Flowers of Thaïland and Southeast Asia, un autre petit livre qui raconte l'enivrante histoire des fleurs exotiques qu'on admire dans les jardins de Thaïlande :orchidées, tulipes, hibiscus, bougainvilliers flamboyants...à travers leur migration d'Afrique, d'Amérique, d'Australie et du reste de l'Asie. Omniprésentes dans le marché de Phuket town, à commencer par l'orchidée, emblème national de la Thaïlande, les fleurs constituent le premier agrément des hôtels de Phuket où elles sont disposées partout et en abondance. La mousson a fini par se calmer. La lumière en fin de jour sur la longue plage de Patong, le poumon touristique de l'île, est magnifique. On ressent, à cette heure, une atmosphère sereine, romantique, chaude et lascive à la fois. Rien à voir avec les cavalcades de la haute saison touristique (octobre-avril) où Phuket voit débarquer des milliers de visiteurs, paraît-il. Voilà pourquoi la période idéale pour venir ici, c'est le temps de la mousson ! En cette période, inutile de réserver une chambre, les hôtels sont vides et les prix négociés assez bas, même les palaces cinq étoiles de Phuket, dignes des palais de Maharadjahs... Fleur du « mâle » Je plonge aussitôt dans Tropical Flowers et le chapitre « orchidée », cette fleur du royaume thaï qui a conquis le monde et dont 35 000 et quelques hybrides sont connues pour leurs formes fantastiques, leurs couleurs et leurs parfums vibrants, envoûtants. Ici, au bord de la mer d'Andaman, c'est la fameuse Venus Slipper (le sabot de Vénus) qui est la plus répandue. Divine, une belle aux couleurs jaune et tachetée de brun avec une sorte de poche frontale qui ressemble à un sabot. La même fleur pousse au cambodge et en Birmanie voisine. De couleur ivoire, la Cymbidium Siamensis, que Confucius a appelée « la reine de toutes les fleurs » pousse sur les pentes des hautes collines de Phuket. Tanids la spectaculaire orchidée bleue, aux pétales immenses, la Vanda Corutéa vient jusqu'ici des montagnes du nord de la Thaïlande, autour de la grande cité de Chiang Mai. L'orchidée la plus exportée est la Dendrobium, cultivée dans d'immenses fermes. C'est une fleur très raffinée avec toutes les couleurs de l'arc-en- ciel...Dès que l'on débarque à Phuket, on est atteints par le syndrome des orchidées, elles sont partout, dans les temples, les hôtels, dans les parcs collées aux arbres. Le boom touristique dure, peut-être, une ou deux saisons, celui des orchidées, c'est toutes les saisons et c'est une activité très florissante pour le pays, autant que la pêche ou le caoutchouc. La beauté de cette fleur incarne à merveille la beauté sensuelle de la Thaïlande. Un cinéphile à Phuket town ne peut éviter de rentrer dans l'élégant palais du District Office, où a été tourné The Killing Fields, (la déchirure), le film de Roland Joffé dont l'histoire se passe, en fait, pendant la guerre civile du Cambodge. Incontournables aussi les îles au large de Phuket : Phi Phi Island où Léonardo Di Caprio y a tourné The Beach (la Plage), réalisé par Danny Boyle. Et l'extraordinaire Phing Kan Island, un lagon rocheux avec ses grottes mystérieuses et ses pitons rocheux où des séquences du film The man with golden gun (l'Homme au pistolet d'or) avaient été réalisées par le cinéaste Guy Hamilton avec Roger Moore dans le rôle de James Bond. La nuit venue, la pluie s'est arrêtée. Le quartier de Patong Beach se remplit soudain. Le pizzaiolo, tout sourire, se frotte les mains et fait virevolter la pâte. De loin, il m'adresse un sourire qui en dit long, car ce soir, un groupe de hippies sympathiques a replié ses parapluies chinois et s'est installé autour de sa grande table ronde. Cette fois, j'ai des préoccupations plus mondaines... Je rejoins le groupe de journalistes invités par Best Tours et TAT (Tourist authority of Thainade). Nous allons visiter et dîner au Twin Palms Hôtel, un palace magique au style japonais, avec des piscines privées dans toutes les chambre d'où on peut rejoindre la grande piscine en nageant sous un petit pont de bois... L'image même du paradis tropical surprenant et splendide à la fois. Ce ne sont pas les pauvres moines bouddhistes ascétiques, avec leurs robes safran et leurs bols pour recueillir le riz, qui pourront s'offrir The Twin Palms. C'est tout juste s'ils peuvent se payer un bâton d'encens...