A l'hôpital de Ouargla, les équipes de réanimation ont été les premières à prendre à bras-le-corps la structure hospitalière secouée par cette maladie virale qui s'est déclarée au cœur du doyen des champs pétroliers du pays, prise en charge par l'hôpital Hocine Ait Ahmed de Hassi Messaoud. Avec seulement deux cas confirmés pas le ministère de la Santé, l'hôpital Mohamed Boudiaf de Ouargla se prépare au pire, dans un climat mitigé entre déni, peur et nonchalance, nourris à l'extrême ce week-end par la confirmation du cas positif du Dr A. K., médecin spécialiste cabinard, admis en confinement sanitaire peu après avoir effectué une série de consultations et d'opérations chirurgicales qui ont semé la panique. L'EHS Boudiaf vient également de lancer son centre d'appel Covid-19 (3030), dont le service continu en 24h/24 est assuré par trois équipes de médecins bénévoles, publics et privés, ainsi que par des étudiants en 5e et 6e années de médecine à l'université Kasdi Merbah de Ouargla. L'association Elite nationale des sciences médicales (NEMS) de Ouargla est partie prenante de cette initiative, «grâce à l'implication de ses membres actifs qui assurent des rotations dans ce centre et répondent aux questions et inquiétudes des citoyens selon le protocole OMS unifié, inculqué lors de la formation prodiguée par le docteur Delma Kilani pour préparer le lancement simultané du centre d'appel et du SAMU», déclare Soheib Telli, étudiant en médecine et coordinateur local du NEMS. Une première dans les annales locales et qui fera sans doute date, ce centre d'appel a d'ailleurs tellement eu de succès auprès de la population que l'hôpital de Ouargla, submergé par les appels, vient de demander ce samedi aux citoyens de se restreindre aux questions en relation avec la pandémie de Covid-19, ses symptômes, ses facteurs de risque et sa prise en charge. Découverte des médecins A l'hôpital comme à l'extérieur, les citoyen découvrent une élite médicale de pointe qui s'est naturellement placée au front de la lutte anti-Covid-19, mais aussi contre les idées reçues et les fake news. Avec quelques réajustements et beaucoup de bonne volonté, toute la corporation médicale aussi bien publique que privée apporte sa contribution à la conscientisation et gère l'affluence, compte tenu du climat général d'angoisse et de terreur qui s'est emparé de la ville depuis la détection du premier cas national de coronavirus chez un ressortissant italien dans une base de vie à Hassi Messaoud, puis un deuxième à la périphérie de Ouargla, resté en ballotage dans les statistiques nationales vu qu'il n'a été répertorié que plusieurs jours après la sortie de la patiente. Auujourd'hui, malgré plusieurs communiqués de presse du wali de Ouargla, l'incertitude subsiste sur l'identité du cas positif annoncé puis démenti puis reconfirmé. Depuis, ce qui aurait dû être une belle success-story à raconter au monde entier comme étant le premier cas de guérison d'une octogénaire diagnostiquée, confinée, traitée, revérifiée et guérie, s'est avéré un non-événement. Sortie de l'hôpital samedi dernier, dans le déni total de la ville, de la wilaya et du pays, ce cas réel de guérison aurait dû donner une toute autre dynamique, d'autres enseignements et une trajectoire à la lutte contre le Covid-19 dans cette ville saharienne pétrolière, en encourageant le dépistage et le confinement volontaire afin d'éviter des scènes ubuesques de cohues devant des commerces de semoule pour ne citer que cet exemple. Référence Algérienne adaptée aux moyens A l'hôpital de Ouargla, les équipes de réanimation ont été les premières à prendre à bras-le-corps toute la structure hospitalière secouée par cette maladie virale qui s'est déclarée au cœur du doyen des champs pétroliers du pays et prise en charge à l'hôpital Hocine Ait Ahmed de Hassi Messaoud. Aussitôt le malade évacué vers son pays d'origine, le souffle repris, c'est un dispositif de préparation des troupes qui a été initié par la direction de l'hôpital de référence de la wilaya pour la mise place d'un programme de lutte anti-infectieuse avec une équipe spécialement constituée à cet effet, qui veille à toutes les opérations concernant la prise en charge du Covid-19. Le Dr Kilani Delma, spécialiste en réanimation et anesthésie, chef du service réanimation à l'hôpital Mohamed Boudiaf, a lancé, à l'intention de l'ensemble du personnel médical, paramédical et de support, un cycle de formation continue, journalier, qui se déroule chaque matin à la salle de réunion de l'hôpital. Une trentaine de personnes assistent chaque jour à l'explication, au détail près, du dispositif visant à répondre le plus efficacement possible à une flambée épidémique du Covid-19, en utilisant les stratégies et pratiques recommandées par le ministère de la Santé. Les stratégies de lutte anti-infectieuse visant à prévenir ou limiter la transmission du virus dans cet établissement de santé a commencé par le rappel des fondamentaux de la protection du personnel de santé avec des mises en situation réelles. Au moment où des cas d'infection, voire de décès, de praticiens de la santé ont secoué le monde médical à l'international et en Algérie, le Dr Delma s'est fait un devoir de rappeler les gestes professionnels de sécurité, notamment l'habillement, la désinfection, la stérilisation et surtout le déshabillement après avoir effectué un acte médical. Unifier les références, lecture studieuse des directives et notes de service transmises chaque jour par le ministère est faite et traduite en actes. «Cela nous a unis et nous a permis de convaincre. Pour une fois, nous avons une référence algérienne adaptée à nos moyens et actualisée sur le plan scientifique conformément aux directives de l'OMS», explique le Dr Soualhi, qui mise sur l'implication de ses confrères. A l'intention des animateurs du centre d'appel, des médecins et du personnel paramédical toutes spécialités confondues – appelés à venir en appoint en cas de flambée épidémiologique attendue et anticipée par ces derniers – les consignes de base concernent le triage, l'identification précoce et le confinement ainsi que l'isolement des patients suspectés d'une infection par le Covid-19, l'application des précautions standard pour tous les patients et les précautions supplémentaires en fonction de la situation vis-à-vis des membres de la famille, des visiteurs et des agents de santé. L'urgence en urgence Pour ce faire, le dispositif de tri, d'orientation et de prise en charge des cas suspects et confirmés de coronavirus bénéficie d'une structure indépendante neuve, à l'entrée de l'hôpital, initialement destinée à abriter le nouveau service des urgences médicales, mais tellement contesté par le personnel médical et une frange de la population que son inauguration a été atermoyée à maintes reprises depuis deux années. Dans ce service d'isolement et de confinement, mis en place selon la directive de l'OMS préconisant l'instauration d'un poste de triage bien équipé à l'entrée de l'établissement de santé, avec du personnel qualifié, des bureaux assurant un cloisonnement très efficace permettent de recevoir les malades qui se présentent à la consultation, confirme ou infirme la maladie avant d'orienter vers l'isolement en attendant la confirmation des tests nasaux par l'Institut Pasteur et la mise en confinement en quatorzaine dans l'espace dédié. Des balises colorées séparent désormais les chemins à prendre par le personnel de service et les malades. Ainsi, seuls les malades symptomatiques sont admis dans ce service, le reste de la population venue en consultation spontanée et asymptomatique est soit orientée vers d'autres services hospitaliers ou carrément mise à l'isolement à domicile. Dans cette enceinte destinée à soulager le plus possible de patients potentiellement en stress respiratoire, ce sont les facteurs de comorbidité qui inquiètent le plus. «Nous savons que l'âge et les problèmes de santé antérieurs vont impacter la prise en charge, l'évolution, les complications et la tolérance aux traitements», explique le Dr Delma qui cite essentiellement l'obésité, le diabète, l'hypertension, l'insuffisance respiratoire chronique et l'immunodépression. Médecine de guerre En appoint à la structure dédiée au Covid-19, le Service d'aide médicale urgente (SAMU) géré par le Dr Islem Soualhi, spécialiste en réanimation et anesthésie, œuvre à la formation pratique d'une équipe opérationnelle de régulation médicale d'urgence pré-hospitalière qui répondra à la demande d'aide médicale urgente en cas de flambée épidémique. Par bonheur, pour la première fois depuis sa création, l'hôpital de Ouargla compte une dizaine de réanimateurs. Une orientation ministérielle qui vient à point nommé dans le contexte sanitaire actuel. Et au SAMU, ce sont des consignes de préparation active à une situation de guerre qui sont données à des médecins et paramédicaux novices en matière de réanimation médicale, qui s'exercent quatre heures par jour à réanimer des mannequins grâce à l'équipement prêté par la faculté de médecine de l'université Kasdi Merbah de Ouargla. «Ne donnez pas d'ordre aux infirmiers, demandez-leur plutôt s'ils peuvent faire l'acte que vous sollicitez.» Ainsi résonne la voix du Dr Soualhi, dans un service ou règne le respect et l'efficacité pour mieux affronter et anticiper les difficultés à venir, dans une spécialité ou la vie et la mort se côtoient tous les jours et où la touche humaine empathique avec les malades et les familles est capitale.