Durant le premier semestre 2011, le SAMU 16 a effectué 7814 sorties sur le terrain l Près de 50% des missions ont été achevées sur place. Le SAMU «souffre» de nombreuses insuffisances et d'un manque de moyens, une situation qui perdure depuis quelques années. Auriez-vous déjà entendu parler du SAMU 16 ? En tout cas, mieux vaut tard que jamais. Cela permet de sauver des vies. Grâce à son expérience et à son matériel sophistiqué, le Service d'aide médicale d'urgence d'Alger (SAMU 16) est le plus habilité à secourir les patients en besoin de soins d'urgence et de réanimation, ou transporter des malades polytraumatisés. Les équipes du SAMU d'Alger 16 sont de service sept jours sur sept et 24h/24. D'ailleurs, les jeunes «sauveurs de vies» qui composent les différentes unités du SAMU 16 ont carrément perdu la notion du temps. De jour comme de nuit, leur seule préoccupation est de répondre aux appels de détresse des citoyens et aux sollicitations des hôpitaux. Les lumières du siège central du SAMU 16 à Hydra, à vrai dire le quartier général de ce commando spécial, ne estompent jamais, tout comme les moteurs de ses ambulances. Rôle vital «Notre première intervention de la journée fut matinale. A 4h30, l'une de nos équipes a transféré une patiente du service de gynécologie de l'hôpital Parnet de Hussein Dey vers le CHU Mustapha. Elle avait une hémorragie abdominale aiguë post-accouchement», explique Dr Abad Nabila, chargée de la régulation. Avant de rencontrer cette jeune dame, forte de 15 ans d'expérience, nous avons reçu une présentation complète de la part de la direction du SAMU 16. Le Dr Chebel Abdelhamid, directeur du SAMU 16 par intérim, nous a indiqué que «le SAMU est le maillon fort de la médecine d'urgence. Nous travaillons en collaboration avec tous les hôpitaux de la capitale et parfois même hors Alger. Nos unités sont toujours présentes là où le devoir les appelle». Bien qu'officiellement, 13 SAMU soient disponibles sur l'ensemble du territoire national, seul celui d'Alger est opérationnel. «La meilleure manière de réactiver le SAMU dans notre pays est d'appliquer l'avant- projet de statut particulier. Ce texte, une fois effectif, permettra de former un SAMU national mieux structuré et plus efficace pour une meilleure prise en charge urgente des malades», a ajouté Dr Chebel. Sur le terrain, les équipes du SAMU 16 sont omniprésentes. Chaque équipe se compose d'un médecin urgentiste, un technicien de la santé et un ambulancier secouriste. Les citoyens ont tendance à ne pas faire de différence entre les ambulances du SAMU et celles des hôpitaux. Ils confondent entre le rôle d'une équipe du SAMU et celle de la Protection civile. C'est vrai, il n'est pas aisé d'en faire la différence. «La Protection civile intervient seulement à domicile du patient ou sur les lieux publics. Ses éléments ne peuvent qu'assurer les premiers soins et mettre dans de bonnes conditions le patient avant de le transporter vers le service des urgences de l'hôpital le plus proche. Par contre, une équipe du SAMU, en plus de mettre le patient dans de bonnes conditions, fait un diagnostic précis, transporte et dépose le patient dans une structure hospitalière spécialisée et assure la continuité des soins», a précisé Dr Chebel. «L'autre particularité du SAMU est d'assurer des soins médicaux à domicile et de travailler avec les différents établissements sanitaires», a signalé Ben Saïdane Abdelaziz, chargé de l'opérationnel. L'intervention du SAMU est capitale. Les équipes du SAMU prennent en charge les populations durant les catastrophes et assurent le transport des grands malades issus de zones isolées (transport d'un malade du/ou vers le sud du pays). En l'absence de centres d'accompagnement des cancéreux, le SAMU représente l'unique alternative offrant ce service. Le SAMU 16 assure, par ailleurs, la couverture médicale durant les grandes manifestations (sociales, politiques, culturelles et sportives). «A titre d'exemple, nos équipes étaient présentes en Afrique du Sud lors de la Coupe du monde 2010 et à Oum Dourmane au Soudan. Nous avons, en outre, fait le voyage à Benghazi et à Tripoli avec le Tassili II pour rapatrier nos compatriotes. Une fois, nous avons même ramené au bled un hadj, gravement malade, depuis Djedda par avion. Le patient est arrivé sain et sauf après un vol de six heures. C'était une bonne performance», se réjouit Gacem Mohamed, chargé de l'équipement médical. Equipements sophistiqués M. Gacem prend le relais pour nous présenter les moyens techniques et matériels du SAMU 16. Il commence par énumérer en détail les composants de l'ambulance médicalisée. «La cellule médicale compte deux brancards, conçus pour s'adapter à toutes les pathologies. En cas d'extrême urgence, une seule ambulance peut transporter plus de deux patients. On y trouve particulièrement : un poumon artificiel portatif, une réserve importante d'oxygène, un Defiscope pour adulte et enfant, une valise paramédicale, une valise de réanimation, des lames de ramassage pour les polytraumatisés, etc.» Pour résumer, l'ambulance du SAMU 16 est un mini hôpital. Ceci permet de garder le malade dans de bonnes conditions, le temps de lui procurer une place dans un établissement médical spécialisé. Le siège du SAMU 16 dispose également d'un magasin de catastrophes, représentant une réserve importante de médicaments et de matériel médical. Une salle d'enseignement de soins d'urgence occupe un espace important dans la direction du SAMU 16. La formation continue du personnel est assurée par des professeurs et des maîtres de conférence. «Les thèmes de cours sont choisis par rapport au bilan d'activités mensuel du SAMU 16. Si par exemple les malaises cardiaques sont trop fréquents durant une période donnée, on recommande à l'un de nos conférenciers spécialistes de nous présenter une communication sur les maladies cardiaques», indique M. Ben Saïdane. La salle de conférences est dotée de moyens de projection et d'exposition modernes. En plus de la théorie, les stagiaires bénéficient d'un apprentissage pratique grâce à l'exercice sur des mannequins simulateurs. Un QG de service H24 Le mieux est laissé pour la fin. Le cœur battant du SAMU 16 n'est autre que le centre de réception et de régulation des appels, communément appelé «salle de trafic». «La régulation est le pilier du SAMU 16. La salle du trafic est notre centre d'opérations. Ce n'est pas de simples opérateurs standardistes qui répondent aux appels de détresse mais les médecins urgentistes eux-mêmes», rassure Dr Abad, toujours dynamique, pour quelqu'un qui n'a pas fermé l'œil durant toute la nuit. «Grâce au diagnostic que nous faisons par téléphone, nous pouvons donner des conseils médicaux capitaux, en attendant l'arrivée de l'une de nos équipes sur place. Dans certains cas, comme l'hypoglycémie (diminution anormale du taux du sucre dans le sang chez un diabétique), l'instruction via le téléphone est vitale», ajoute-t-elle. En plus du diagnostic, les médecins régulateurs trient les appels et définissent les priorités des interventions. Ils choisissent aussi l'équipe qui doit intervenir selon la nature de la mission et la disponibilité des ambulances. La salle de régulation est dotée d'un dispositif de géolocalisation pour gérer et contrôler les déplacements des équipes. Le SAMU 16 est tenu, en effet, de réagir rapidement «aux cris de détresse» dans les meilleurs délais et en assurant la réponse la mieux adéquate. «Les appels sont jugés urgents ou secondaires dans le classement prioritaire des interventions sur le terrain. Les cas urgents concernent généralement les accidents de la circulation, les crises cardiaques, les difficultés respiratoires et la perte de connaissance. Les cas secondaires sont les transferts de malades entre les hôpitaux, sans l'existence d'une urgence médicale pressante», souligne encore Dr Abad. Le téléphone n'arrête pas de sonner. La plupart des appels concernent des demandes de transferts urgents de malades d'un hôpital à un autre. Tous les appels sont enregistrés. Le diagnostic du médecin régulateur, les coordonnées de l'informateur, les informations sur le patient et la conduite tenue par l'équipe du SAMU 16, sont transcrits sur la fiche d'intervention. Sur ce document, figure une demande de transfert d'un bébé de 11 jours, présentant un syndrome polymalformatif (un problème de malformation) de l'hôpital de Belfort vers le CHU Mustapha. Ce genre de transport nécessite une couveuse médicale pour bébés et la moindre faille n'est pas pardonnable. La responsable de la régulation, Dr Abad, a décidé d'envoyer une équipe sur-le-champ. Néanmoins, de nombreuses sollicitations sont déclinées gentiment par les médecins régulateurs. Selon Dr Boumazrag Hanifa, tous les cas refusés ne nécessitent pas l'intervention du SAMU 16. «Pour vous donner un aperçu sur ces cas non traités, voilà un bon exemple : le CHU de Beni Messous nous a demandé une équipe pour transporter un malade de 16 ans qui avait une crise d'asthme qui s'est vite stabilisée. Or, une simple ambulance du parc fera l'affaire», se justifie-t-elle. Hélas, selon notre interlocutrice, plusieurs appels ne sont que des plaisanteries, ce qui fait perdre du temps précieux au service de régulation. Interventions rapides et efficaces Vers 12H30, le centre reçoit un appel d'urgence. Il s'agit d'une demande d'intervention à domicile, formulée par l'épouse d'un cancéreux. C'est la troisième fois qu'une équipe du SAMU 16 prend en charge ce malade chez lui. Après quelques appels téléphoniques, l'infatigable Dr Abad nous offre la possibilité de faire le déplacement avec l'équipe du SAMU 16 de l'unité de Zmirli. Notre direction était la Cité du 1er Novembre dans la commune de Dar El Beïda. L'équipe d'intervention est composée de Rahim Malika, médecin urgentiste, de Mlle Lebal Nedjoua, technicien de santé et de l'ambulancier secouriste, Abelkader Belhachat. En route, l'ambulancier profite pour dénoncer certaines pratiques : «Les automobilistes ne respectent plus la priorité des ambulances dans la circulation, la voie d'urgence n'existe pas chez nous et les bouchons interminables posent un vrai casse-tête à nos équipes, surtout dans les cas d'extrême urgence.» Ces obstacles peuvent s'avérer fatals pour certains patients. «Ça nous arrive d'être en retard. Dans pareille situation, nous nous contentons de consoler la famille du patient, traiter d'éventuelles crises d'hystérie et de finaliser le diagnostic. Mais parfois, on tente une réanimation cardio-respiratoire», lance Dr Rahim depuis son siège, à l'avant de l'ambulance. Une vingtaine de minutes plus tard, l'ambulance aux couleurs du SAMU 16 arrive à destination. En l'absence d'adresses bien précises dans notre pays, le service de régulation du SAMU se met d'accord avec l'informateur sur un point de rencontre d'où un indicateur, désigné au préalable, accompagnera les médecins vers l'adresse exacte. Aujourd'hui, l'indicateur est la fille du malade, âgée de 14 ans. «Mon mari est un ancien marin. Il a découvert sa maladie, il y a trois ans. Ces derniers temps, il souffre. Il n'a pas mangé depuis trois jours», a expliqué l'épouse du patient. L'équipe médicale, en concertation avec les médecins régulateurs, décide de lui implanter une sonde naso-gastrique (introduction d'une sonde dans l'estomac par voie nasale pour en évacuer son contenu ou pour administrer des produits directement dans l'estomac). Entre-temps, l'épouse admet n'avoir pris connaissance de l'existence du SAMU 16 que grâce aux orientations d'un médecin au Centre Pierre et Marie Curie (CPMC). Le travail de sensibilisation sur le rôle du SAMU 16 laisse donc à désirer. À la fin de la mission, le Dr Rahim fait le point : «L'implantation est réussie. On lui a aussi fait une injection pour le soulager.» «Le pauvre, il avait quand même une tension bonne», chuchote-t-elle à son assistante. L'émotionnel est toujours présent chez les équipes du SAMU 16. «Malgré les années d'expérience, un malade souffrant suscite toujours de la compassion», avoue-t-on.
Manque de moyens pénalisants En rentrant, l'ambulancier dépose le Dr Rahim et le technicien Lebal au niveau de l'unité de Zmirli, et poursuit son chemin vers son unité à Bab El Oued. L'ambulance de l'unité de Zmirli étant en panne depuis plusieurs mois, le centre de régulation a recouru au service d'un ambulancier rattaché à l'unité du CHU de Bab El Oued. Cela nous amène à parler des insuffisances et le manque de moyens qu'endure le SAMU 16 depuis quelques années. Selon M. Gacem, le SAMU 16 a besoin de plusieurs autres ambulances médicalisées. La dizaine de ces véhicules, suréquipés, qui restent encore en circulation ne peut plus assurer les interventions dans de bons délais. Il y a aussi le problème de la communication par radio. Les talkies-walkies ne marchent plus. Le service de l'équipement a réclamé en vain la réparation de ce matériel sensible. En attendant, on utilise les mobiles personnels pour les appels de concertation et l'échange d'informations entre les différentes équipes du SAMU 16 et le centre de régulation. De son côté, Dr Chebel souligne que «le déficit en matière de paramédicaux au niveau national touche le SAMU 16». «Nous avons besoin de recrutement quantitatif et qualitatif de médecins et de techniciens de la santé pour pouvoir répondre à toutes les sollicitations des citoyens dans les meilleures conditions», a-t-il recommandé. La situation socio-professionnelle de certains employés du SAMU 16 est précaire. C'est le cas des ambulanciers secouristes. Questionné sur son salaire, Abdelakader, 37 ans et père de trois enfants, avait presque «honte» de répondre. Avec 14 ans d'expérience au SAMU 16, il ne touche que 19 000 DA par mois avec un salaire de base de 11 000 DA. C'est dire que «les soldats» du SAMU 16 n'ont qu'une seule motivation, l'amour du métier. S'occuper un peu de leur vie sociale et professionnelle n'apportera qu'un surplus de rendement et donc plus de vies sauvées. A bon entendeur.