Habités par une foi inébranlable, nos valeureux toubibs, traînés dans la boue et tabassés par les résidus de l'ancien système, vont au charbon. Sans la moindre hésitation, ils acceptent d'affronter l'ennemi invisible, à armes inégales. L'impitoyable acharnement d'un adversaire sans foi ni loi, ne décourage pas pour autant ces soldats d'un autre genre. Même s'ils n'ont pas les moyens appropriés, nos éminences grises ont des idées, n'hésitent pas à actionner le célèbre système ‘'D''. Un tel raccourci est à la fois utile et important en temps de guerre. Placés entre le marteau et l'enclume, les équipes du service de réanimation du centre hospitalo-universitaire (CHU) de Sétif défiant la mort font appel aux compétences de l'université Ferhat Abbas Sétif I (UFAS) pour les aider à atténuer les souffrances, à sauver d'une mort certaine les pensionnaires d'une structure trahie par des respirateurs artificiels et les pousse seringue électrique. Pour parer au plus pressé, le Pr Nabil Mosbah, médecin en chef du service précité, est dans l'obligation d'emboîter le pas à ses confrères italiens, contraints d'utiliser les masques Décathlon. La pénurie force ainsi la main aux soignants de transformer un outil habituellement utilisé dans l'exploration subaquatique en masque de combat et de lutte contre le Covid-19. L'utilisation du masque facial couvrant tout le visage exige une valve spécifique. La mission est confiée à des chercheurs de l'Institut d'optique et de mécanique de précision (IOMP) de l'UFAS. Le premier prototype de la valve-imprimée en 3D est mis au point en début de semaine. Ce coup d'essai fut un coup de maître. Au grand bonheur des soignants du service bénéficiant de valves et de 16 masques dénichés par la direction de l'UFAS. Envahi par l'émotion, le Pr. Nabil Mosbah qui a bien voulu parler à El Watan Etudiant, reste sans voix : «L'implication de nos collègues de l'université et à leur tête le recteur qui ont non seulement imprimé des valves en un temps record mais ont pu nous dénicher 16 masques adaptés au Covid-19, nous stimule, nous aide à oublier le stress, la fatigue et la pression», dit en préambule notre interlocuteur. Et d'enchaîner : «Fabriquée selon les normes, la valve de l'UFAS est une véritable bouée de sauvetage car elle nous permet d'utiliser le masque Décathlon testé avec succès en Italie. Cette petite et non moins importante pièce sert à connecter un respirateur à ce type de masque très demandé actuellement en Europe, notamment en France. Face à la pénurie de masque CPAP, nous sommes donc obligés d'adopter une telle méthode, appelée ventilation non invasive (VNI). La valve permet de faire le lien avec le respirateur et d'alimenter le patient en air sous pression. Elle évite une détresse respiratoire grave et l'intubation. La VNI détecte le mouvement d'inspiration du patient et lui donne le volume d'aire nécessaire, réglé selon les recommandations médicales», conclut non sans émotion l'hospitalo-universitaire. Malgré un emploi du temps chargé, un volume de travail dense, le praticien a, à l'instar de ses collègues des premières tranchées, trouvé un temps pour le volet pédagogique. «L'incommensurable charge de travail au service n'affecte en rien l'activité pédagogique, véritable bouffée d'oxygène pour moi. L'apparition du coronavirus nous oblige à dispenser les cours via la plateforme de la faculté de médecine. Je voudrais mettre à profit l'opportunité pour demander aux étudiants en particulier et aux Algériens en général de respecter le confinement, importante barrière contre le Covid-19», précise le praticien. Confronté à d'autres problèmes, le Pr. Rachid Malek, chef de service de médecine interne au CHU, fait, quant à lui, de la gymnastique pour concilier les deux activités : «Contrairement aux services de médecine interne des autres CHU du pays, à Sétif, le centre hospitalo-universitaire est dépourvu de services d'endocrinologie, de diabétologie, de rhumatologie et de gastro-entérologie. L'énorme déficit nous oblige à enseigner ces spécialités alors que les internistes des autres facultés de médecine ne s'occupent que de la sémiologie médicale. De telles contraintes ainsi que la pandémie bousculent certes notre emploi du temps, elles ne nous éloignent pas pour autant de nos étudiants», révèle l'interniste contraint de reporter à une date ultérieure la 17e édition de son cours international de la formation médicale continue, dédié au diabète. Travaillant d'habitude loin des feux de la rampe, le Professeur Djelloul Lacheheb, chef de service d'infectiologie, se retrouve au-devant de la scène : «Avec le Covid-19, on ne compte plus les heures de travail. La noblesse du combat prend le dessus sur la fatigue et la complexité de la mission. Concernant le volet pédagogique, la pandémie intervient à la fin de la 3e rotation des étudiants de 4e année médecine qui devront patienter pour leurs partiels. Prévue pour le 19 avril courant, les cours de la 4e rotation seront dispensés via le site web de la faculté». Logé à la même enseigne, le Pr. Abdelhak Moumeni, chef de service de pneumologie, abonde dans le même sens : «Le devoir nous oblige à répondre présent et à affronter une situation aussi complexe. Coronavirus ou pas, le maintien du cursus de nos étudiants est impératif. Pour les étudiants de 3e année de médecine, le cours de pneumo a été achevé dans les temps. Il ne reste que l'examen. La 4e rotation de la 4e année, se fera via le net», précise notre hospitalo-universitaire, démontrant que l'activité pédagogique résiste tant bien que mal au Covid-19.