Avec la tendance à la stabilisation relative de l'épidémie qui se dessine à travers les chiffres officiels annoncés ces derniers jours de la baisse de la courbe des décès, de la fréquentation des services de réanimation et du nombre de malades guéris, des professionnels de santé et des hommes politiques ont commencé à alerter les pouvoirs publics sur la nécessité impérieuse de bien préparer la phase délicate et décisive du déconfinement. Tout relâchement dans l'effort de prévention et de lutte contre la maladie exposera le pays, de l'avis unanime de nos experts, à une catastrophe certaine que nous avons, pour notre bonheur, peut-être évitée jusqu'ici, au prix des sacrifices que l'on sait, si les chiffres encourageants enregistrés cette semaine se confirment et se consolident durant les prochains jours. Il reste que dans tous les cas de figure, il faut bien se rendre à l'évidence que nous n'en avons pas encore fini avec la première vague et que la menace de l'arrivée d'une seconde vague guette à chaque instant. Les mesures barrières mises en œuvre pour endiguer la propagation du virus ont montré leur efficacité partout, y compris chez nous, même si des manquements ont pu être constatés ça et là, en ce qui concerne le respect des règles de confinement et de distanciation sociale. Des couacs qui donnent la mesure de la complexité de l'opération du déconfinement. Accueillie avec scepticisme et circonspection, voire non sans une profonde inquiétude par une large partie de l'opinion, tant la bête immonde sévit toujours, la possible levée du confinement énoncée par le président Tebboune pour la fin du mois courant ne laisse pas beaucoup de temps aux experts en vue de mettre au point une stratégie conciliant, avec harmonie, une reprise progressive, maîtrisée de la vie nationale sous tous ses aspects avec les exigences sanitaires de l'heure. La menace du Covid-19 ne disparaîtra pas avec la levée administrative du confinement. Le défi à venir qui attend les pouvoirs publics est double : il consistera à assurer le suivi des malades hospitalisés, les cas externes qui apparaîtront tout en maintenant un dispositif sanitaire de veille, avec le même niveau d'expertise et de technicité au plan opérationnel, la même mobilisation pour accueillir et prendre en charge, dans de bonnes conditions, en milieu hospitalier, les nouveaux malades. En l'absence de dépistage massif, personne ne peut objectivement prédire ce que nous réservent les prochains jours. Il serait hasardeux de spéculer sur les contingents réels ou supposés des sujets contaminés échappant aux statistiques du comité scientifique chargé du suivi de l'épidémie et qui seraient dans la nature, entre les cas de citoyens présentant des signes de la maladie et qui ne consultent pas, pour une raison ou une autre, et ceux asymptomatiques, sources de contagion, qui doivent impérativement être identifiés, localisés pour être traités. L'Algérie aborde l'équation difficile du déconfinement avec un lourd handicap : ses réalités politiques, économiques et sociales, ses spécificités sociologiques, l'incivisme et, souvent, l'inconscience des citoyens face à la dangerosité de l'épidémie, l'indisponibilité des moyens de protection de la population, notamment les masques, la surcharge des établissements scolaires et des campus universitaires, l'anarchie des moyens de transport, les marchés informels incontrôlables… autant d'écueils avec lesquels il faudra compter. Comment imposer le respect des consignes de prévention sanitaire dans une situation de désordre et d'anarchie généralisée dans laquelle l'Etat et le citoyen sont tout autant responsables ? De la même façon que le confinement fut difficile à faire respecter par tous, en dépit des mesures répressives décidées à l'encontre des contrevenants, parce que, aussi, l'accompagnement de la population par les services de l'Etat n'a pas toujours suivi, le déconfinement apparaît également, à l'évidence, comme un pari d'autant plus difficile encore à engager compte tenu de toutes ces contingences. Non maîtrisé, déployé dans la précipitation, juste pour montrer que l'Etat tient bien la situation en main, que le danger est derrière nous, le plan de déconfinement n' aura qu'un effet placebo, avec le risque de voir la crise sanitaire se prolonger et échapper au contrôle des autorités.