De l'abricot de N'gaous, il ne reste que le mythe. Le fruit n'est proposé sur aucun étal dans cette ville du sud-ouest de Batna, où même la fête de l'abricot n'a pas eu lieu cette année. A la place du fruit qui a fait la légende de la région, ce sont de somptueuses villas qui poussent au milieu des vergers. Les raisons ? Il n'y a plus d'eau ! Les sources qui irriguaient les vergers se sont taries, nous expliquent des producteurs rencontrés sur place. L'abricot de N'gaous aura donc vécu. Les rigueurs de l'hiver et le tarissement de la source ne sont pas les seules causes, puisque l'indifférence des uns et l'absence de politique de valorisation, y compris dans le cadre du PNDA, ont fini par céder les vergers à la spéculation foncière. Pour l'heure, c'est la commune de Tinibiaouine, à une douzaine de kilomètres à l'est de N'gaous, qui devient la vedette mais dont la production est estimée à 10% cette année par rapport aux années précédentes. Plus loin, à Taxlent, les producteurs d'abricots se plaignent de l'absence des autorités locales et déclarent être désarmés face aux multiples problèmes qu'ils rencontrent. Selon certains agriculteurs, il s'agit de catastrophe naturelle. Trois jours de pluie, suivis de chute de température à -2°c ont provoqué le gel qui serait à l'origine d'une mauvaise production. Pour d'autres, le problème serait plutôt dû au manque de produits phytosanitaires. A Tinibaouine, les producteurs posent le problème de l'irrigation. L'un d'entre eux parle d'un surplus d'eau. « Le débit de la source augmente en hiver et inonde les vergers, ce qui entraîne le pourrissement des racines et par conséquent le dépérissement de l'abricotier », nous dit-il, en soulignant que les rigoles servant à canaliser l'eau sont traditionnelles et doivent être modernisées avec le soutien de l'Etat. M. Grabsi, directeur des services agricoles (DSA) de Batna est, quant à lui, d'un autre avis. « Le programme spécifique du ministère relatif à la revalorisation des ressources hydriques prévoit l'organisation et la rationalisation de l'exploitation des eaux destinées à l'irrigation », affirme-t-il et, dans ce cadre, il déclare avoir avancé des propositions à ces mêmes producteurs, leur suggérant de procéder ou bien au forage sinon à l'installation de l'irrigation par goutte à goutte. Quant à la baisse de la production, M. Grabsi rejette la thèse de trop d'eau et parle de l'alternance. « C'est dans la nature même de l'abricotier ; une année c'est une bonne récolte, une autre elle est mauvaise ». Les services de l'agriculture et ceux de l'hydraulique sont confrontés, selon l'avis du même responsable, à des considérations idéologiques et spirituelles : « Les habitants de Tinibiaouine vénèrent trop leur source et entretiennent une relation tellement spirituelle avec elle qu'ils refusent qu'on y touche », conclut M. Grabsi.