Depuis le 20 mars, 85% des Tunisiens sont confiés chez eux à cause du coronavirus. L'économie roule au ralenti et la quasi-majorité des citoyens est frappée par la crise, entraînant des poches vides lors de ce saint mois de Ramadhan, plutôt exigeant en matière de dépenses. Pis encore, une bonne partie des Tunisiens a déjà puisé dans les maigres économies, dont ils disposent, lors de ces cinq semaines d'inactivité, ayant précédé le Ramadhan. Paradoxalement pour cette année, la consommation des denrées alimentaires n'est pas montée en flèche. Les deux derniers jours (22 et 23 avril), précédant l'entrée du Ramadhan, n'ont pas enregistré de hausses vertigineuses de la vente des légumes, fruits et poissons, au marché de Bir Kassaa, aux portes de Tunis. Le volume des échanges était autour de 1700 tonnes, alors qu'il atteignait 2200 tonnes les années écoulées, en pareilles périodes. Pis encore, le 21 avril, plusieurs dizaines de tonnes de légumes n'ont pu être écoulées, faute de demande. C'est dire que la consommation n'est pas à son comble, malgré l'approche du Ramadhan et les prix moyens pratiqués. «C'est plutôt le pouvoir d'achat qui est en net recul, secoué qu'il est par les cinq semaines de confinement et de la réduction significative de la production des richesses», souligne Sami Tahri, secrétaire général adjoint de la puissante centrale syndicale UGTT. En d'autres termes, «les Tunisiens ne disposent plus de moyens pour consommer autant qu'auparavant», ajoute inquiet le syndicaliste. Sombres perspectives Au niveau macroéconomique, la situation est aussi catastrophique. Les projections publiées récemment par le Fonds monétaire international (FMI) prévoient une récession de 4,3% pour l'économie tunisienne en 2020, contre une récession de 3,9% pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. En Tunisie, c'est le tourisme et l'aérien qui sont les principaux secteurs touchés. Quant au chômage, il monterait de 15 à 19%. Le Covid-19 fait des ravages, alors que la Tunisie espérait préparer son décollage en 2020 et s'envoler en 2021. Le Covid-19 plaque tout le monde au sol. Pourtant, les résultats indiquent que la Tunisie a plutôt correctement géré la pandémie sur son territoire et se prépare même à un confinement orienté, qui prépare la reprise des activités économiques. Forte de résultats encourageants dans la résistance au Covid-19, limitant la propagation du virus à moins d'un millier de cas, avec 38 décès, au bout de près de deux mois, la Tunisie prépare déjà un réajustement de sa stratégie, prônant une reprise graduelle des activités économiques. Cette réussite contre le Covid-19 a intéressé les bailleurs de fonds internationaux qui ont volé au secours de la Tunisie, qui a obtenu 745 millions de dollars du FMI, ainsi que 600 millions d'euros de la part de l'Union européenne, pour l'aider à faire face, économiquement et socialement, à l'impact de la crise due au Covid-19. Le gouvernement tunisien espère, par ailleurs, exploiter cette réussite pour grignoter des parts supplémentaires sur le marché européen, pointant à deux heures de vol de la Tunisie. Mais, la concurrence reste très rude. Les Tunisiens espèrent même l'assouplissement des réglementations concernant l'émigration des ressources humaines, les Tunisiens, et les étrangers en général, s'avérant utiles en temps de crise. Vers une reprise graduelle Sur le plan intérieur, et après six semaines de confinement, qui se termineront le 4 mai, et suite à des résultats significatifs concernant le ralentissement de la propagation de la pandémie, passant de 5 à 1,2 contaminations par patient atteint, le gouvernement tunisien compte changer son approche en matière de lutte contre la pandémie. Ainsi, une stratégie en quatre étapes sera mise en application, en adoptant des mesures de prévention adaptées à une riposte ciblée contre le Covid-19. Ainsi, «le port du masque est désormais obligatoire, alors que la distanciation sociale devient une règle du comportement citoyen ; des règles strictes seront appliquées dans les lieux de travail, en employant juste 30 à 50% du personnel, lors du début de la reprise», insiste le docteur Nissaf Ben Aleya. La densité du transport sera également contrôlée, en réduisant à deux le nombre des clients d'un taxi et les places assises pour les bus. Pour l'enseignement, seuls les examens nationaux (6e, 9e et baccalauréat) seront apparemment maintenus, selon un accord passé entre les syndicats et le ministère de l'Education, suite à une réunion tenue récemment. Pour les 6e et 9e, les examens ne tiendront compte que des contenus des 1er et 2e trimestres. Pour le bac, tout comme l'université, il y aura reprise des cours. Les conditions de reprise sont encore à l'examen, pour éviter un éventuel retour de la pandémie, comme ce fut le cas au Japon et à Singapour, qui ont été obligés de refermer, de nouveau, leurs établissements scolaires, après une décision de reprise. «La Tunisie examine minutieusement les meilleurs moyens possibles de vivre désormais avec le Covid-19, en maîtrisant sa propagation», conclut le Dr Nissaf Ben Aleya.